Les cahiers de l'Islam
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Samedi 18 Janvier 2014

Le confessionnalisme libanais a fait son temps

Par Luna Farhat, docteur en droit de l'Université libanaise et enseigne à l'Institut d'études arabo-chrétiennes de l'Université Saint Joseph de Beyrouth.



Le pluralisme religieux est un des aspects majeurs de la société libanaise. Il est la clef de voûte de son système politique, en vertu duquel les postes clefs de l’Etat sont répartis entre les différentes communautés religieuses. De nombreux observateurs estiment que le Liban a désormais dépassé cette structure politique, qui a pourtant fait ses preuves par le passé. Reste à savoir comment les Libanais pourront continuer de fonctionner à l’intérieur de ce système tout en renforçant leur sentiment d’identité nationale aux dépens de celui d’appartenance religieuse.
Manifestation à Beyrouth pour une "démocratie laïque"/ Photo L'OrientLeJour.com (cliquez sur la photo)
Manifestation à Beyrouth pour une "démocratie laïque"/ Photo L'OrientLeJour.com (cliquez sur la photo)

Un des aspects positifs du système libanais, qui compte 18 rassemblements religieux officiellement reconnus, c'est qu'il permet à toutes les communautés religieuses d'avoir une représentation dans le gouvernement, de participer à la gestion des affaires de l'Etat et de contribuer à son essor.

Cette formule a été élaborée dans le Pacte national non écrit de 1943, adopté lors de l'accession à l'indépendance, qui a débouché sur une répartition attribuant: aux maronites, la présidence de la république, par élection de l'assemblée nationale; aux sunnites, la présidence du Conseil des ministres; aux chiites, la présidence de l'assemblée nationale. A l'assemblée nationale, les sièges sont répartis entre chrétiens et musulmans selon un rapport de 6 à 5, équilibre qui a en principe tenu jusqu’en 1989.

Pour certains, la guerre civile qui a ravagé le pays de 1975 à 1990 est due au fait que la répartition confessionnelle était inadaptée pour assurer que toutes les mouvances religieuses soient équitablement représentées au gouvernement.

En somme, s'il est vrai que le système a été conçu pour assurer l'équilibre politique entre plusieurs communautés confessionnelles et garantir une coexistence pacifique entre elles, sa conception fondamentalement confessionnelle donne plus de poids à l'appartenance religieuses qu'à la cohésion nationale, inhibant ainsi le sentiment d'unité nationale.

L'Accord de Taëf de 1989, qui a mis fin à la guerre civile, a apporté plusieurs modifications au système politique. Ainsi, les 128 sièges de l'assemblée nationale sont désormais également répartis entre chrétiens et musulmans, et non plus selon un rapport de 6 à 5. A l'intérieur de ces deux catégories, d'autres subdivisions ont été aménagées: les chrétiens maronites disposent de 34 des 64 sièges attribués aux chrétiens; les musulmans sunnites et chiites disposent chacun de 27 sièges, les dix sièges musulmans restants étant répartis entre Druses et alaouites.

L'Accord a préservé la clef de répartition des postes politiques les plus importants entre les principaux groupes confessionnels. Aucune réforme institutionnelle réelle n'est venue atténuer les aspects négatifs du confessionnalisme. L'Accord évoque, il est vrai, la création d'un Conseil national chargé d'étudier et de proposer les moyens d'abolir le confessionnalisme dans les institutions publiques, mais ce conseil n'a jamais vu le jour.

Ce que l'Accord de Taëf n'a pas fait et qui est désormais indispensable, c'est d'élaborer un plan de consolidation dune identité nationale unique.

Cela ne pourra se faire que par la transformation des processus électoraux et de la culture politique du pays. Il s'agit essentiellement d'organiser des referendums et l'élection au suffrage direct des responsables, ce qui aura pour effet de renforcer la communication directe entre les citoyens libanais et leurs institutions, à commencer par la présidence.

L'élection des députés au suffrage populaire direct renforceraient les liens entre le peuple et le chef de l'Etat et conférerait à l'office du président une légitimité et un soutien populaire accrus.

Entre-temps, les organisations de la société civile apportent une contribution positive en faisant tout pour que les citoyens libanais de toutes les communautés religieuses s'impliquent dans le processus politique afin de susciter un sentiment de citoyenneté unique qui, seul, pourra transformer la culture politique, en mettant l'accent sur l'identité nationale plutôt que confessionnelle.

Ainsi, Nahwa al-Muwatiniya (Vers la citoyenneté, www.na-am.org), organisation à but non lucratif de Beyrouth, a récemment lancé un programme visant à aider les écoliers à mieux comprendre le système électoral libanais. En effet, c'est souvent le manque de conscience politique chez les jeunes qui les pousse à voter selon des lignes de partage confessionnelles.

Ce programme, introduit jusqu'à présent dans 15 écoles, s'adresse à quelque 1.350 élèves des écoles secondaires de toutes provenances confessionnelles et prêts à aborder la vie citoyenne. Il se propose d'initier les jeunes élèves au processus législatif et les invite à se rapprocher des organisations de la société civile, confessionnellement neutres, pour se déterminer politiquement. Au bout du compte, il s'agit de former des citoyens participant à la vie démocratique du pays.

Il faudrait plus d'initiatives de ce type au Liban. La formation de citoyens engagés est un but auquel tous les Libanais peuvent souscrire.

En partenariat avec CGnews.






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