Les cahiers de l'Islam
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Pascal Lemmel
Co-fondateur de la revue numérique Les Cahiers de l'Islam, des éditions du même nom ainsi que de la... En savoir plus sur cet auteur
Mardi 6 Novembre 2018

Pour un monde sans mur



« Du mur d’apartheid israélien sur une terre palestinienne au mur de la honte américain sur une terre autochtone à la frontière mexicaine - près de 70 murailles sur tous les continents déchirent la vie et les terres des gens alors qu’elles fortifient des frontières ou des limites de contrôle de l’État souvent définies unilatéralement. Ce sont des monuments d'expulsion, d'exclusion, d'oppression, de discrimination et d'exploitation. [...]

Les murs ne se sont pas seulement levés pour renforcer les frontières du contrôle de l'État, ils délimitent également les frontières entre les riches, les puissants, socialement acceptables et " l'autre ". »
Appel pour la journée un monde sans mur. BDS.

 

Le mouvement BDS lance un appel pour une journée mondiale d’action pour un monde sans mur le 09 Novembre 2018. Durant cette journée de nombreuses manifestions devraient se tenir autour du globe (Festival à Buenos Aires conférences à San Francisco, Exposition à Berlin, etc..) contre « les murs de l’apartheid ». Il s’agit aussi bien de dénoncer les « murs du passé » (comme à Berlin), que les murs en construction (Palestine et Mexique) . Autant de murs sur les frontières dans le monde qui limitent la « liberté de rester, liberté se déplacer, liberté de retourner ».

Boycott, Désinvestissement et Sanction.

Au-delà de la protestation contre les gouvernements responsables de la construction de ces murs, il s’agit aussi de dénoncer les entreprises qui permettent, facilitent et tirent « profit de la construction et de la croissance de murs d’injustice visibles et invisibles ».

C’est dans ce sens que BDS signifie Boycott, Désinvestissement et Sanction. Ce mouvement s’oppose en premier lieu à l’occupation des territoires palestiniens par Israël. Il appelle à la fin de l’occupation israélienne de 1967, ce qui inclut le démantèlement des colonies de Cisjordanie et la destruction du mur ; à la fin du système israélien de discrimination juridique à l’égard des citoyens palestiniens d’Israël, système qui correspond aux critères de l’apartheid tels que définis par l’ONU ; et toujours dans le cadre des résolutions de l’ONU , au droit au retour des réfugiés palestiniens chez eux et sur leurs terres, desquelles ils ont été déplacés de force et dépossédés en 1948 et en 1967.

Pour ce faire, le mouvement n’emploie que des méthodes non violentes et pacifiques.


 


Considérant que l’état hébreu a mis en place un véritable d’apartheid, depuis 2005, et selon le modèle du boycott qui avait été mené à l’encontre de l’Afrique du Sud dans les années 1980, des mouvements pro-palestiniens et/ou alter mondialistes se sont regroupés à travers le monde entier sous la bannière BDS afin d’appeler au boycott de compagnies israéliennes et étrangères opérant dans les colonies israéliennes et les territoires occupés.

Outre le boycott des produits manufacturés en Israël ou dans les colonies, le mouvement mène des actions auprès de diverses institutions, aussi bien privées qu’étatiques, visant à stopper les investissements au sein de l’économie Israélienne. L’un des premiers grands succès fut notamment la décision de la Norvège de retirer ses fonds des sociétés israéliennes impliquées dans la construction des colonies. Le mouvement a notamment joué un rôle dans les décisions de désengagement d’Adidas, d’Europcar, de Honda, de Veolia ou encore d’Orange, d’Airbnb, d’ HP, etc…. En Janvier 2018, L’ONU a rendu public un rapport identifiant, sans les nommer, 206 compagnies qui travaillent en lien avec les colonies israéliennes illégales construites sur des terres palestiniennes volées en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem Est.

Dans le même temps, le mouvement fait pression sur l’Union européenne en vue de faire sanctionner Israël pour ses violations du droit international. Cela avait, entre autres, débouché en 2015 sur la décision de l’UE d’imposer l’étiquetage des produits israéliens issus des territoires palestiniens occupés. La listes des soutiens universitaires, des ONG , des syndicats ou encore des artistes ayant soutenu le mouvement en 2018 est longue (suivre le lien sur l’image).

Apartheid

Israeli Practices towards the Palestinian  People and the Question of Apartheid report
Israeli Practices towards the Palestinian People and the Question of Apartheid report


Il convient de souligner que ce mouvement s’est trouvé conforté dans son action lorsqu’en mars 2017, une branche de l’ONU, la ESCWA (Economic Commission for Western Asia) a effectivement accusé, sur des bases juridiques, l‘État hébreu de soumettre le peuple palestinien à un régime d’apartheid. Pour les auteurs du rapport, deux juristes internationaux, le système de discriminations pesant sur les Palestiniens est constitutif du crime d’apartheid, tel que défini par la Convention internationale anti-apartheid de 1973.



Même s’il fût enterré, « ce rapport, important de par son désir manifeste d’un état des lieux juste, objectif, et impartial » constituait un document officiel, qui demandait « pour la première fois l’ouverture du processus de rétablissement de la commission de l’ONU chargée de combattre l’apartheid, celle-là même qui fût instaurée pour l’Afrique du Sud, puis dissoute en 1994. La conclusion du rapport insiste enfin sur l’obligation légale de mettre fin aux situations d’apartheid caractérisées, pointant les responsabilités de la communauté internationale et des institutions de la société civile ». [[1]]urlblank:https://www.liberation.fr/debats/2017/03/31/tribune-merci-rima-khalaf_1559667 L’ESCWA recommandait que la Cour internationale de justice de La Haye se prononce sur la question… et appelait les pays membres de l’ONU à soutenir la campagne BDS.

Si c’est la première fois que l’état d’apartheid était officiellement dénoncé, de nombreuses personnalités dont Jimmy Carter, ou encore John Kerry s’étaient déjà élevées contre les pratiques de l’état Israélien. C’est ainsi que l’ancien président américain avait publié en 2006 un ouvrage intitulé Palestine : Peace, not Apartheid (Palestine : la paix, pas l’apartheid), dans lequel il estimait que les pratiques israéliennes dans les territoires occupés étaient « pires que l’apartheid en Afrique du Sud », tandis que le second, alors qu’il était chef de la diplomatie américaine, avait « averti qu'Israël courait le risque de devenir un Etat d'"apartheid" s'il ne faisait pas la paix rapidement avec les Palestiniens.»


Changement de cap outre atlantique

Carte de jerusalem. Mensuel l'histoire.
Carte de jerusalem. Mensuel l'histoire.
Cependant, de l’autre côté de l’atlantique, les temps changent… En décembre 2017, le nouveau locataire de la maison blanche, Donald Trump, a décidé unilatéralement de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël, et la semaine dernière c’est le nouveau président brésilien Jair Bolsonaro fraichement élu qui lui emboite le pas. Rappelons que l’'État hébreu considère l’ensemble du territoire de Jérusalem comme sa capitale, tandis que les Palestiniens aspirent à faire de Jérusalem-Est la capitale de leur futur Etat. Israël occupe Jérusalem-Est depuis la guerre de 1967 et a par la suite procédé à son annexion, jamais reconnue par la communauté internationale. Pour la communauté internationale, le statut de la Ville sainte doit être négocié par les deux parties et les ambassades ne doivent pas s'y installer tant qu'un accord n'a pas été trouvé.
 

Donald Trump ne s’est pas arrêté là puisqu’en septembre dernier, il s’est d’abord attaqué à l'aide directe des États-Unis à l'Autorité palestinienne en annulant l'essentiel de l'assistance américaine, soit 200 millions de dollars, puis ensuite il s’en est pris au financement de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) qu’il a purement et simplement réduit de moitié. Officiellement, la stratégie de la maison blanche, vise à provoquer ainsi un électrochoc et à contraindre les palestiniens à trouver une solution au conflit qui les opposent aux israéliens. En attendant, l'UNRWA qui aide plus de trois millions de Palestiniens sur les cinq millions enregistrés comme réfugiés, notamment à travers des écoles et des centres de santé, dans les territoires palestiniens mais aussi au Liban, en Jordanie et en Syrie, cherche de nouveaux financements.


Dans le même temps, le président des états unis a décidé de fermer la représentation diplomatique de l'OLP, l'Organisation de libération de la Palestine, à Washington. Cette décision a été justifiée par la porte-parole du département d’Etat, Heather Nauert, par le refus des dirigeants de l’OLP de s’assoir à la table des négociations pour parler avec le gouvernement américain au sujet des efforts de paix, condamnant ainsi le plan de paix américain sans même l’avoir encore vu et de refuser.

Israël vs BDS

Article UEJF. Selon 52% des 18-24 ans, le Sionisme serait une idéologie raciste
Article UEJF. Selon 52% des 18-24 ans, le Sionisme serait une idéologie raciste
Quant à l’état Israélien, il semble considérer le mouvement BDS comme une véritable menace. A plusieurs reprises, le premier ministre israélien M. Nétanyahou a dénoncé des campagnes internationales « pour noircir la réputation d’Israël ». Pour lui, ceux qui soutiennent le BDS mettent en cause jusqu’à l’existence même de l’Etat hébreu. Il faut dire qu’en moins de 15 ans, la question du boycott d’Israël s’est imposée comme une thématique légitime et régulièrement débattue par de nombreux acteurs évoluant dans tous les domaines de la scène internationale. L’image du pays se dégrade dans les opinions publiques occidentales.

Ainsi en France, au mois de mai 2018, alors que l’état hébreu réprimait dans le sang la marche du grand retour à Gaza, un sondage réalisé par l’Ifop pour l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) montrait que l’image de l’état d’Israël se détériorait effectivement aux yeux des français qui sont 69 % à juger que « le sionisme est une idéologie qui sert à justifier sa politique d’occupation et de colonisation des territoires palestiniens » et
71 % à estimer qu’ « Israël porte une lourde responsabilité dans l’absence de négociation avec les Palestiniens ».

Michel Warschawski, militant anticolonial, journaliste et auteur de Un autre Israël est possible résume la situation : « La campagne BDS fait mal aux dirigeants israéliens, même s’ils tentent de faire croire qu’ils la tiennent pour négligeable. Et une tendance claire se dessine : une partie de la nouvelle génération de juifs américains a de moins en moins de réticence à exprimer ses critiques de la poli-tique israélienne et une autre partie y est, elle, de plus en plus indifférente. Dans une génération, Israël n’aura plus ce soutien sans faille des communautés juives organisées. »

C’est pourquoi l’état d’Israël en est venu à créer en 2008 un discret ministère des affaires stratégiques et de la hasbara (littéralement « explication » ou « éclaircissement », que l’on peut ici prendre dans le sens « communication »). Comme l’explique le journal en ligne Times of Israël, la directrice du ministère en question, Sima Vaknin-Gil, ancienne cheffe de la censure militaire, refuse de fournir la moindre information, et ceci, même face aux commissions de la knesset diligentées pour l’occasion. Rien ne filtre sur ce ministère, ni son budget, ni ses dépenses et pas même ses membres.

Ce même site indique que le ministère a conclu un accord de coopération avec une organisation appelée Kela Shlomo (La fronde de Salomon) qui a été créée il y a un an et demi dans l’optique de protéger l’état hébreu contre ceux qui cherchent à le diaboliser et à le délégitimer. C’est-à-dire BDS. Yossi Kuperwasser, prédécesseur de Vaknin au ministère des Affaires stratégiques et qui est actuellement membre de Kela Shlomo, a expliqué que cette entité avait été mise sur pied pour « servir de cadre afin de rassembler l'argent des donateurs et du gouvernement », en vue de « multiplier les capacités de chacune des parties dans la promotion d'activités contre la délégitimisation. Le but à long terme de Kela Shlomo est de faire en sorte que le droit légitime d’Israël à l’existence soit compris et approuvé le plus largement possible, pour toujours. Avec cette ambition tout à fait louable, le ministère s’efforce de mieux comprendre les attitudes mondiales à l’égard d’Israël, notamment au moyen de sondages. Il cherche à déterminer quel type d'activisme et de messages visant à nuire à Israël est efficace et pourquoi, et quels contre-efforts et initiatives méritent d'être poursuivis. Par ailleurs, Il vise à autonomiser les militants pro-israéliens existants. »

Violation des droits de l'homme ?

Psy-Group marketing materia
Psy-Group marketing materia

Kela Shlomo peut d'ailleurs s'appuyer sur d'autres entreprises privées spécialisées dans les manipulations de l'opinion publique. C'est ainsi que la société israélienne Psy-Group aurait utilisé frauduleusement les médias sociaux en faveur de Donald Trump dans le cadre des dernières élections à la présidence des États-Unis. La société est d'ailleurs actuellement sous le coup d'une enquête du FBI. Cependant l’existence du ministère et de son officine Kela Shlomo ne font pas l’unanimité au sein même d’Israël. Le ministère a été accusé de non transparence et surtout de mener au travers de Kela Shlomo des opérations illégales de manipulation de l'opinion publique, ce qu'un organisme gouvernemental n'a théoriquement pas le droit de faire. Au passage, le ministère est accusé de transférer ainsi une grande partie de son pouvoir - pouvoirs draconiens pour surveiller, espionner et diffuser la propagande - aux organisations privées qui pourtant ne rendent pas nécessairement de comptes au gouvernement.

Au-delà de ces accusations, pour certains des défenseurs des droits de l’homme israélien, le ministère des Affaires stratégiques, agissant sans autorisation, mène actuellement au nom du gouverne-ment israélien une campagne de propagande mondiale qui viole les droits de l’homme : « Le ministère lui-même mène des activités radicales qui sont probablement inappropriées à une démocratie, telles que l'espionnage et la propagande, et transfère même [la capacité de mener] ces activités radicales à des entités privées ».

Une plainte a été déposée devant la Haute Cour de justice.




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