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Jeudi 8 Mai 2025

Les mélopées irakiennes de Kadhim Jihad Hassan



Né en Irak en 1955, Kadhim Jihad Hassan est une voix qui compte dans le vaste paysage de la littérature arabe en France, surtout par ses travaux sur la traduction de la poésie et sur l’histoire du roman. Universitaire, essayiste, critique littéraire et traducteur reconnu, notamment de Dante, Rilke, Rimbaud, Derrida et Deleuze, ainsi que d’écrivains arabes comme Abdul Rahman Mounif et Abbas Beydoun, il est aussi poète. Un livre rend justice à cette autre facette de son œuvre, en regroupant ses plus récents poèmes, où résonnent à la fois les échos de son pays natal et l’expérience fondatrice de l’exil.
 

Kadhim Jihad Hassan | Éclats d’Irak suivi de Migrations. Trad. de l’arabe par André Miquel et l’auteur. Actes Sud, 2025, 208 p., 23 €.

Traduits en grande partie par l’éminent arabisant André Miquel, disparu en 2022, les poèmes de Kadhim Jihad Hassan se distinguent par l’émotion qu’ils dégagent et la profonde mélancolie qui les traverse. Dans sa courte préface, Miquel souligne l’oscillation de cette poésie entre le paradis et l’enfer, à l’image d’une vie passée, dans les mots du poète, « de l’épopée à la mélopée ». Il s’agit donc d’écouter la poésie de Kadhim Jihad Hassan aussi bien « lorsqu’elle se polarise sur un moment, un objet, un détail du paysage évoqué » que quand « elle se laisse emporter, tout en le contrôlant, par le verbe de l’orateur ».

Dans la première partie de l’anthologie, intitulée « La réinvention de la campagne », cet exercice d’écoute commence avec les sons et les paysages de la terre natale. Une cérémonie de mariage se confond avec les lamentations de la flûte d’un berger. Lentement, la campagne irakienne se reconstitue sous le regard du poète : bêlement d’un agneau, galop d’un sanglier, arabesques dessinées par un cheval, moissons d’un paysan, âmes surgies d’outre-tombe, croyances populaires et rituels d’exorcisme. D’un poème à l’autre, le pays devient le lieu d’une familiarité réactualisée par des gestes anodins : « rien qu’à toucher la mince écorce de l’arbre / le pied reconnaît sa route en toute certitude ».
Avec une délicatesse empreinte de mélancolie, Kadhim Jihad Hassan reconstruit les portraits de l’oncle et du grand-père, se remémore un chœur de passereaux et s’attarde sur le cimetière du village. La campagne irakienne accueille une symphonie de sensations, souvent contradictoires, qui se juxtaposent « dans l’imaginaire enchanté de l’enfant ». Les frontières entre la vie et la mort, l’intime et le collectif, l’humain et l’animal, tendent à se brouiller. L’évocation de la faune domine largement cette reconstruction des paysages de l’enfance, portée par un soin minutieux du détail, à l’image de ces chenilles grignotant les feuilles des arbres et laissant derrière elles « les grâces d’une broderie ». Au fil des images et des pensées, le poète renouvelle sa quête de « cet inattendu devenu, lui et rien d’autre, / l’unique condition de son existence ».





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