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Dimanche 4 Novembre 2012

Les Grecs, les Arabes et nous. Enquête sur l'islamophobie savante.



Les Grecs, les Arabes et nous. Enquête sur l'islamophobie savante.







Lecture par Jean G. THIELLAY (Agrégé d'histoire. Professeur honoraire de Première supérieure au Lycée Thiers, Marseille. Spécialiste d'histoire religieuse et médicale du Moyen Age). Une publication en partenariat avec
« le quotidien des livres et des idées ».

Référence : Les Grecs, les Arabes et nous. Enquête sur l’islamophobie savante, éd. Philippe Büttgen, Alain de Libera, Marwan Rashed, Irène Rosier-Catach, Paris, Fayard, 2009, 374p.

    On se souvient de la polémique académique et médiatique que provoqua la parution en mars 2008 aux éditions du Seuil du livre de Sylvain Gouguenheim, professeur d’histoire médiévale à l’Ecole normale supérieure de Lyon, Aristote au Mont-Saint-Michel: Les racines grecques de l’Europe chrétienne. L’ouvrage avait provoqué une flambée d’articles dans la presse (Le Monde, l’Express, le Figaro, Libération…), de vives réactions chez les historiens (appel de 200 enseignants, chercheurs, personnels, auditeurs de l’ENS de Lyon, articles de Jacques Verger, Max Lejbowicz, entre autres…) et a été chroniqué ici même. Que nos lecteurs veuillent bien s’y reporter, s’ils en éprouvent le besoin. Bien qu’il vaille mieux oublier les mauvais livres.
    
Onze universitaires et chercheurs se sont réunis pour nous donner ici une réponse, non plus polémique (même si certains n’ont pu au détour d’une phrase résister à la tentation  d’« épingler » une nouvelle fois les « erreurs, inepties, confusions… » de l’ouvrage de Gouguenheim) mais scientifique. Leurs qualités le leur permettaient évidemment : spécialistes mondialement reconnus de philosophie médiévale (Alain de Libera, Marwan Rashed, Rudi Imbach), d’anthropologie historique (Alain Boureau), d’histoire des sciences (Hellène Bellosta), du judaïsme (Jean-Christophe Attias), ou encore de linguistique (Djamel Eddine Kouloughli, Irène Rosier-Catach), et d’histoire bien sûr (Annliese Nef), tous ont le mérite de remettre enfin les choses en place. Le bilan ne pouvait être qu’accablant.
    
Les auteurs ont eu beau jeu d’opposer aux dires de « l’islamophobe au service de la Restauration sarkozyste » (Gouguenheim), un certain nombre de réalités, et non des moindres : nous ne savons rien ou presque du « fameux » Jacques de Venise, et rien ne prouve l’existence d’une véritable Ecole de traducteurs au Mont-Saint-Michel ; on doute même aujourd’hui de Gérard de Crémone et de la « soi-disant Ecole de Tolède », alors !…. Peut-on prendre au sérieux les affirmations d’un auteur qui n’est ni helléniste, ni hébraïsant ni arabisant, qui à l’évidence exagère l’importance du rôle des syriaques (chrétiens), dans la transmission des œuvres d’Euclide, de Platon et d’Aristote en arabe ? Il y avait donc une demande ? De qui? Et pourquoi ? Restons-en là, et songeons plutôt à l’Ingénu de Malebranche : « il paraît avoir écrit la moitié de son livre avec sa raison et l’autre avec son imagination et ses préjugés ». Et revenons au livre : il le mérite, lui.

    Après une introduction des quatre directeurs de l’ouvrage, encore fort polémique épinglant une dernière (?) fois les insuffisances scandaleuses du livre, puis un premier chapitre  (« Qui connaît Jacques de Venise ? une revue de presse ») rappelant la chronologie de la querelle (de l’article initial de Roger-Paul Droit dans le Monde des livres du 4 avril 2008, des articles successifs de Wikipedia, du Monde diplomatique, de l’Express (surprenant Jacques Le Goff, moins surprenants Christian Makarian et Rémi Brague !), du Figaro et bien d’autres, les chapitres suivants s’attachent à démontrer - et ils y réussissent le plus souvent - l’inanité des thèses avançées par Gouguenheim. Ainsi de la soi-disant incompatibilité de l’islam et de la science : la rationalité ne fut le fait que du seul Occident grec, puis chrétien. CQFD. A quoi Hélène Bellosta oppose non seulement les nombreuses traductions de traités mathématiques, philosophiques, médicaux, mais aussi l’œuvre de Thâbit ibn Qurr, des Banû Musa, d’Al Khwârizmi, et de conclure :  « sans les mathématiques arabes, l’œuvre de Fibonacci, plus tard celle des grands italiens (Cardan, Tartaglia, Bombelli), plus tard encore de Viète et de Fermat n’auraient pas vu le jour. » . La démonstration aurait pu s’étendre à la médecine, laissée de côté ici (mais nous avons les travaux des historiens américains, de Danièle Jacquard et  Françoise Micheau, deux des « bêtes noires », il est vrai, de Gouguenheim).

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En partenariat avec : http://www.nonfiction.fr




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