Les cahiers de l'Islam
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Michael Privot
Michael Privot est Docteur en langues et lettres, avec spécialisation en langue arabe et histoire... En savoir plus sur cet auteur
Mardi 29 Août 2017

Egalité des droits en Tunisie : De l’urgence de déconstruire les manipulations des oulémas


Le 13 août 2017, le Président tunisien Essebsi lançait un débat sur une réforme du droit de la famille visant à étendre le principe d’égalité aux femmes, en particulier en matière d’héritage et de mariage. Cette initiative a fait frémir d’horreur la frange conservatrice de la société tunisienne et l’onde de choc s’est propagée aux confins du monde musulman à tel point que « l’Union Internationale des Oulémas Musulmans », présidée par le téléprédicateur Yûsuf al-Qaradawî s’est fendue d’un communiqué de presse rappelant M. Essebsi à la raison (traduction française du Dr. O. Marongiu-Perria disponible ici). Les fondements de l’islam seraient en danger. Les ficelles grossières utilisées dans ce communiqué se révèlent typiques des manipulations quotidiennes des Ecritures commises par nombre d’oulémas et d’imâms pour maintenir une vision du monde médiévale et patriarcale qu’il est urgent de déconstruire en vue de rendre aux fidèles des marges de liberté confisquées par les développements historiques de l’islam.



La grande Mosquée de Kairouan (Tunisie). Elle est considérée comme la quatrième ville sainte en Islam après La Mecque, Médine et Qods. Elle abritait l'un des plus grands centres d'enseignement de la jurisprudence malékite au IX ème siècle.
La grande Mosquée de Kairouan (Tunisie). Elle est considérée comme la quatrième ville sainte en Islam après La Mecque, Médine et Qods. Elle abritait l'un des plus grands centres d'enseignement de la jurisprudence malékite au IX ème siècle.

Le 13 août 2017, le Président tunisien Essebsi lançait un débat sur une réforme du droit de la famille visant à étendre le principe d’égalité aux femmes, en particulier en matière d’héritage et de mariage. Cette initiative a fait frémir d’horreur la frange conservatrice de la société tunisienne et l’onde de choc s’est propagée aux confins du monde musulman à tel point que « l’Union Internationale des Oulémas Musulmans », présidée par le téléprédicateur Yûsuf al-Qaradawî s’est fendue d’un communiqué de presse rappelant M. Essebsi à la raison (traduction française du Dr. O. Marongiu-Perria disponible ici). Les fondements de l’islam seraient en danger. Les ficelles grossières utilisées dans ce communiqué se révèlent typiques des manipulations quotidiennes des Ecritures commises par nombre d’oulémas et d’imâms pour maintenir une vision du monde médiévale et patriarcale qu’il est urgent de déconstruire en vue de rendre aux fidèles des marges de liberté confisquées par les développements historiques de l’islam.

Généralisations abusives


Fondée en 2004 à l’initiative de quelques oulémas de renommée internationale, l’Union Internationale des Oulémas Musulmans n’hésite pas une seconde à s’exprimer au nom de la « colère de l’ensemble des musulmans [du monde] », voulant s’imposer comme interlocuteur légitime d’un débat au nom des musulmans, balayant leur extrême diversité d’une part, mais aussi invisibilisant toutes celles et ceux qui voient d’un œil favorable le type de réforme proposé par M. Essebsi d’autre part. Si d’aucuns veulent croire qu’ils ne constituent pas encore une majorité à l’échelle globale, ce que l’on peut concéder sans problème, ils ne sont plus cependant un pourcentage marginal que l’on peut continuer à écarter d’un revers de la main.

S’exprime là un topos du discours clérical islamique, à savoir une généralisation à outrance visant à délégitimer et culpabiliser toute pensée critique, toute contestation du magistère : « tous les musulmans », « l’ensemble des oulémas », « tous les Compagnons », « toutes les écoles juridiques sans la moindre exception »… Nombreuses sont les formules qui permettent à la cléricature islamique de maintenir à peu de frais sa position privilégiée de détentrice de la Vérité, quand il ne s’agit pas, purement et simplement, de masquer sa propre ignorance de la richesse de la tradition islamique classique foisonnante sur à peu près tous les sujets, des opinions les plus orthodoxes aux plus hétérodoxes, sachant que ces notions sont extrêmement labiles et que « l’orthodoxie d’une époque ne résulte que de la somme des hétérodoxies des époques précédentes » (Tareq Oubrou). 

Ainsi, à titre d’illustration, un théologien comme Abû Ya’qûb al-Sijistânî, au 11ème siècle, considérait déjà comme une absurdité de croire que la race humaine aurait procédé du seul couple d’Adam et Eve en utilisant des arguments qui relèveraient aujourd’hui d’une part de la génétique et d’autre part de l’herméneutique, considérant que les Textes offrent une allégorie plutôt qu’un récit historique (H. Corbin, Trilogie ismaélienne, Lagrasse, Verdier, 1994, pp.94-6). Un millénaire plus tard, l’orthodoxie reste pourtant figée sur une conception créationniste et peu de musulman-e-s sont conscient-e-s que leur tradition a produit, bien avant Darwin, des réflexions intéressantes pour l’histoire des sciences en la matière.
Le Président tunisien Béji Caïd Essebsi
Le Président tunisien Béji Caïd Essebsi

L’enjeu du positionnement de l’Union Internationale est évidemment de rappeler les troupes à l’ordre tout en évitant de devoir se livrer à une démonstration détaillée de sa position qui risquerait de mettre à jour ses failles et ses faiblesses, comme nous allons l’exposer ci-dessous. Il est dès lors fondamental que le/a croyant-e musulman-e prenne conscience que le ressort essentiel du discours des oulémas, de l’imâm de la mosquée du coin à des « pointures » mondiales comme al-Qaradawî, repose sur l’argument d’autorité, en se dispensant la plupart du temps de tout effort d’argumentation. On invoque la tradition des savants, on cite un fragment de verset et une moitié de hadith, en n’hésitant pas, comme dans le cas d’espèce, à faire fi des circonstances de la révélation (asbâb al-nuzûl) , ou à taire les véritables questions théologiques pourtant posées par le contexte contemporain au sein duquel évoluent les musulman-e-s. 

Dans les controverses, nombreux sont ceux qui se contentent souvent de ridiculiser d’une phrase l’adversaire, ses idées, voire sa personne, sans pour autant engager un dialogue de fond sur les arguments exposés. Le résultat est là : le/a croyant-e lambda, absorbé-e par le rythme de la vie quotidienne, n’a guère le temps de démonter les discours qui lui sont servis, à mettre en exergue les avis minoritaires, nombreux sur toute question, qui contredisent les généralités proposées et qui présentent une profondeur de vue qui, si elle n’a pas fait mouche du temps de son auteur-e, peut se révéler extrêmement utile pour penser notre époque. En conséquence, se perpétue et se diffuse sans grande résistance la version très réductrice, aliénante, de l’islam que nous connaissons aujourd’hui. Aliénante parce qu’elle relève d’une conception médiévale (au sens historique) du monde et de la société, en dissonance de plus en plus grande avec le vécu réel des musulman-e-s qui sont irrémédiablement partie prenante de la modernité.

L’appropriation abusive de la détention de la Vérité (Haqq) que ce communiqué est censé avoir éclaircie permet à ses auteurs, subrepticement, de mettre le Président tunisien, le mufti de la République et le Bureau des Fatwas qui le soutiennent dans une situation proche du kufr (« mécréance » dans l’acceptation contemporaine), avec tout ce que cela peut impliquer dans l’imaginaire islamiste actuel. Le communiqué n’est pas aussi direct : le terme n’est pas employé, mais son univers de sens est largement évoqué (« Sachant que la preuve lui a été faite au sujet de ce que dit réellement l’islam, le retour vers la Vérité (rujû‘ ilâ l-Haqq) est une vertu, comme c’est une obligation et un devoir (wâjib wa-farîda) »), de telle sorte qu’au-delà de la formule diplomatique, la menace est à peine voilée. La conclusion du communiqué avec le verset 4,65 achève de sceller la menace pour qui en douterait encore : s’il ne revient pas sur ces propos, le Président Essebsi ne pourra plus prétendre à faire partie des « croyants » puisqu’il n’accepterait pas le jugement de Dieu (« Mais non, par ton Seigneur ! Ils ne seront pas croyants tant qu’ils ne t’auront pas pris comme juge pour trancher leurs conflits et que, par la suite, ils n’acceptent ta décision sans aucune contrariété, en y adhérant totalement »).

A l’heure où pullulent les illuminés prétendant faire justice au nom de Dieu, on mesure le degré d’irresponsabilité ou de compromission d’oulémas prétendument respectables et qui tentent de se poser en représentants de l’islam « du juste milieu » avec l’islamisme violent dont Daesh se veut le représentant princeps. Il est raisonnable de considérer que ce communiqué ait été calibré avec soin, comme le montrent certaines formules alambiquées. Dès lors, le choix de ce verset de conclusion au lieu d’un des 6235 autres disponibles, est tout sauf une faute d’inattention, ce qui autorise à s’interroger sur la vision du monde de l’ensemble des oulémas, en Europe et ailleurs, qui ont complaisamment relayé de telles positions sans le moindre esprit critique, ni sans exprimer la moindre distance. Le théologien catholique Hans Küng rappelle à propos que c’est précisément le refus du clergé catholique de reconnaître le rôle de la raison critique, puis son interdiction et sa sévère répression qui ont fait perdre pour de nombreux siècles sa pertinence au catholicisme chez une grande partie de ses fidèles, précipitant la diffusion de l’athéisme philosophique auprès d’une large population (voir H. Küng, Dieu existe-t-il ? Réponse à la question de Dieu dans les temps modernes, Paris, Seuil, 1981, livre A : raison et foi). Enfermés dans leur certitude de la détention d’une Vérité qui devrait s’imposer par son évidence supposée, ces oulémas semblent incapables de porter la moindre réflexion de fond sur l’expérience historique d’autres communautés de foi et leurs errements, alors que, précisément, l’athéisme philosophique croît chez les musulmans pour des raisons très similaires.

Enfin, révélant au passage la confusion théologique dans laquelle semblent baigner ces oulémas, ils n’hésitent pas à tomber dans l’excès en matière de nomenclature, soit sciemment pour mobiliser de manière démagogique les émotions de celles et ceux qui prêtent une valeur à leur propos, soit par ignorance ou par convention langagière, ce qui est encore plus grave pour les membres d’une Union qui se veut représenter la crème mondiale des oulémas. Ces derniers qualifient en effet de « choses sacrées » (muqaddasât) les sujets abordés dans leur communiqué, à savoir avec qui la musulmane peut se marier et ce dont elle aurait le droit d’hériter. On est sans contexte face à une hypertrophie du sacré qui envahit tous les aspects de la société, la sursaturant dès lors d’interdits, alors que, selon le Coran lu en contexte, tant l’héritage que le mariage sont des questions profanes, d’ailleurs traitées par la tradition jurisprudentielle postérieure sous le registre des relations sociales (mu‘âmalât) et non du rite (‘ibâdât), ce qui relève proprement du sacré. Quelles que soient les motivations des auteurs de ce communiqué, il n’en reste pas moins qu’ils l’inscrivent dans une longue tradition de sacralisation abusive de tous les aspects de la vie au prétexte que Dieu en aurait parlé dans son Coran. Cela contribue à compliquer outre mesure la vie du/de la musulman-e en entretenant sciemment la confusion entre ce qui peut être considéré comme véritablement sacré et profane d’une part au sein d’une tradition spirituelle particulière, et ce qui relève de l’intention particulière dont un-e croyant-e peut enrichir son agir quotidien le plus profane en se remémorant Dieu à dessein (e.g. le fait d’invoquer Dieu avant de faire la vaisselle ne la sacralise pas, mais connecte l’action du/de la croyant-e et le temps dans lequel elle se déroule avec une dimension supérieure qui, elle, peut être sacrée). 

Ce point peut paraître anecdotique, mais il n’en est rien, car c’est à force de glissements de sens de cette nature que s’organisent des reconfigurations plus ou moins importantes de la dogmatique (‘aqîda), comme on l’a vu ces deux dernières décennies, au travers de propos tels que « le foulard fait partie de ma ‘aqîda », ou encore « soutenir la libération de la Palestine fait partie de la ‘aqîda » pour prendre des registres différents. Si certaines de ces propositions émergent d’un islam populaire où les croyant-e-s finissent par tirer les conclusions quasi inévitable de cette hypertrophie du sacré, d’aucunes finissent par être cooptées et validées par des oulémas, voire proviennent d’oulémas eux-mêmes, rajoutant à la confusion ambiante, elle-même entretenue au plus haut niveau de la cléricature islamique. Confusion sur laquelle les visions et les actions les plus extrêmes et les plus violentes trouvent ensuite un terreau propice à leur justification, voire leur sacralisation. 

Le mariage mixte

Les arguments relatifs au mariage de la musulmane avec un non musulman sont, à ce titre, les plus emblématiques des dérives du discours de ces oulémas.

Pour rappel, en Tunisie, la Constitution veut que le mariage civil soit ouvert à tou-te-s, sans que n’interfèrent les convictions personnelles des futurs époux, mais une circulaire datant de 1973 prescrit l’interdiction, pour la musulmane, de se marier avec un non-musulman, en s’ancrant dans la longue tradition de l’islam malékite. C’est cette dernière que M. Essebsi se propose d’envoyer aux oubliettes de l’histoire, d’autant qu’elle s’oppose à une liberté fondamentale d’importance supérieure dans l’architecture juridique tunisienne.

Pour tenter de réduire à néant l’idée même de la possibilité du mariage d’une musulmane avec un non musulman, l’Union Internationale des Oulémas Musulmans propose une opinion peu étayée, mais se voulant efficace : « Le mariage d’une musulmane avec un non musulman contredit le Coran, la tradition prophétique et le consensus de la communauté, et il n’est permis en aucune façon de transgresser cette limite. Dieu dit : « Et ne mariez pas les associateurs [aux femmes musulmanes] jusqu’à ce qu’ils croient [en l’islam] » (2, 221). Et Il dit au sujet de l’interdiction des femmes musulmanes pour les mécréants : « Elles ne peuvent leur être licites comme ils ne peuvent leur être licites » (60, 10). Les musulmans sont unanimes sur cette interdiction, les savants de la Zeitouna ont d’ailleurs promulgué une fatwa en 1950 au sujet du mariage d’une jeune fille tunisienne avec un non musulman, dans laquelle était mentionné que : « ce mariage est nul et sans fondement dans la charia, et il ne convient pas de le nommer par le qualificatif de mariage, il s’agit au contraire d’une pure ignominie. » Depuis l’époque des compagnons du Prophète jusqu’à ce jour, les savants musulmans sont unanimes sur le fait que l’identité musulmane du mari est une condition de validité du mariage de la femme musulmane » (trad. O. Marongiu-Perria, op.cit.).

Il importe de déconstruire ce qui est une véritable imposture intellectuelle qui porte préjudice aux projets de vie de milliers, voire de millions de gens de par le monde, et ce certainement en Europe où la question des mariages mixtes impliquant une musulmane reste encore épineuse, y compris pour les jeunes de la 3ème génération (voir Oubrou T., Privot M. et Baylocq C., Profession Imâm, 1ère éd., Paris, Albin Michel, 2009, p. 47 sqq et 235 sqq).

Critique discursive

Minaret de la mosquée Zitouna
Minaret de la mosquée Zitouna
Tout d’abord sur le discours lui-même : les oulémas citent le Coran, la tradition prophétique et le consensus de la communauté sans entrer dans les détails. Cette introduction vise à « bétonner » le propos et faire en sorte de présenter une unanimité transhistorique, voire transcendantale sur la question. Pourtant, il n’en est rien : nous allons revenir aux versets coraniques ci-dessous, mais il est évident que la tradition prophétique ne présente aucun hadîth sain et clair sur la question (voir article en lien ci-après). Quant au concept de « consensus de la communauté », il s’agit d’une pure forgerie sans aucune valeur en principologie du droit islamique vu l’impossibilité de prouver l’existence d’un consensus d’une communauté de foi de plus d’un milliard et demi de croyant-e-s aussi divers-e-s que varié-e-s. Seul est reconnu comme un des fondements du droit canon, et avec ses propres limitations, un ijmâ‘ (consensus) des oulémas. Pour mettre ses opposants en minorité, l’Union Internationale n’hésite pas une seconde à frauder la réalité, à l’encontre de toute éthique. Pour ce qui concerne le mariage mixte, dans son fameux tafsîr du Coran, al-Tabarî (9/10ème siècles) a dû lui-même ressortir à un propos rapporté au deuxième calife ‘Umar b. al-Khattâb interdisant supposément ce mariage, faute de pouvoir trouver le moindre hadîth à proposer (ce qui permet également de dater indirectement l’apparition de ce fameux consensus des oulémas, bien plus tardivement que ne le prétend l’Union).

Autant dire que dans la hiérarchie de la normativité islamique, ce n’est pas le fondement le plus solide. Les oulémas n’en ont cure et n’introduisent aucune nuance dans leur propos, oblitérant sciemment l’histoire de la tradition jurisprudentielle en prétendant énoncer une vérité éternelle. De même, à la fin du paragraphe, ils récidivent en prétendant qu’il y aurait consensus à propos de cette interdiction « depuis les Compagnons du Prophète ». Si l’on retire le propos attribué à ‘Umar al-Khattâb, le faisceau de preuves se rétrécit très sérieusement, mais cela permet de faire astucieusement l’impasse sur ce que le Prophète aurait lui-même pu déclarer à ce sujet, ce qui est évidemment très pratique vu l’absence de propos solidement attestés sur la question. Si les Textes (Coran et sunna) ne présentent pas d’indice clair, il sera toujours possible de trouver une opinion de Compagnon, voire, le cas échéant, une construction tardive d’oulémas, mais dont la valeur reste très circonstanciée et qui doit être remise en question à chaque époque sans qu’elle ne puisse jamais acquérir le statut de Vérité supérieure.

La citation de l’opinion d’oulémas de la Zeitouna du siècle dernier tombe à propos pour rappeler qu’un tel mariage serait « pure ignominie », et enfoncer le clou de la culpabilité dans l’esprit de tout qui s’aviserait de vouloir penser à rebours de cette vérité. Le procédé est violent mais redoutablement efficace. La rhétorique contre l’intelligence, la menace contre le travail de conviction : une cléricature qui n’a plus que la commination pour faire respecter son orthodoxie est un signe clair de l’effondrement de sa pertinence auprès de ses fidèles. Il est crucial d’en tirer les conclusions qui s’imposent.

Retour impératif du Coran

Au contraire de l’Union Internationale des Oulémas Musulmans qui, sûre de son coup, se contente de citer deux versets tronqués en estimant que cela les absout de tout effort d’argumentation et de clarification, il importe de se remémorer le contexte de la révélation.

La société à laquelle s’adresse le Coran est une société tribale et segmentaire au sein de laquelle les femmes – même libres – ne valent guère mieux qu’un bien mobilier, une force de travail et de reproduction, un bien d’échange servant à forger des alliances entre familles, entre clans et tribus pour se garantir la paix ou des droits de passages sur les territoires contrôlés par d’autres clans ou tribus (voir R. Benzine et I. Saïdi, Finalement, qu’est-ce qu’il y a dans le Coran ?, Paris-Bruxelles, La Boîte à Pandore, 2017). La sîra (histoire prophétique) témoigne également que le Prophète s’inscrivait lui-même pleinement dans la logique des mariages visant à consolider des alliances à portée politique, inter-clanique, voire inter-religieuse

Dans cette société, seuls contribuent au prestige d’un homme ses fils et ses troupeaux (al-mâl wa-l-bunûn zînatu l-hayati l-dunyâ, comme en atteste le Coran lui-même au verset 18,46). Pas ses épouses, ses filles ni ses esclaves. On remarquera également dans les versets qui seront traduits in extenso ci-dessous que, lorsque le Coran établit des droits et des devoirs symétriquement pour les hommes et les femmes, il ne s’adresse pourtant qu’aux hommes, jamais aux femmes (cf. « mariez » contre « donnez en mariage »), ce qui est un reflet de leur position effective dans cette société.

Dans ses carnets de voyage auprès des bédouins du Pays de Moab (Est de la Mer Morte) au tournant du 20ème siècle, Antonin Jaussen apparaît comme un témoin privilégié d’une telle société segmentaire qui n’a pas encore été profondément modifiée par la modernité. Ainsi, les filles n’entrent qu’avec parcimonie dans la représentation d’une ahl (famille de base, p.11) ; si les hommes d’une lignée sont identifiés et comptés à l’unité, ce n’est pas le cas pour les femmes qui restent anonymes en quelque sorte (p.15). Les dictons locaux y compris reflètent sa condition de force de (re)production : « Femme la nuit, ânesse le jour » (p.16 in Coutumes des Arabes au Pays de Moab, Paris, Adrien Maisonneuve, 1948).


Enfin, dimension fondamentale, le leitmotiv du Coran est de proposer une nouvelle alliance avec Dieu et son Prophète (voir J. Chabbi, Les trois piliers de l’islam, Paris, Seuil, 2016). La racine ’MN (qui donne îmân, mu’min et leurs dérivés, compris depuis l’époque classique comme relevant du champ de la croyance et de la foi suite à une transposition dans un autre univers culturel) est une des plus utilisée du Coran avec 879 occurrences. Ce concept qui structure d’évidence la pensée coranique renvoie en fait au champ sémantique de l’alliance, du ralliement plein et entier à Dieu et à son Prophète – à un Dieu non pas pasteur comme dans le judaïsme, mais « super chef » de tribu qui guidera ceux qui se rallient à Lui jusqu’à la bonne destination en multipliant les signes (âyât) le long des pistes de l’existence. C’est en ce sens que Dieu lui-même se déclare mu’min dans le Coran : Il est l’autre terme de l’équation : l’allié de ceux qui s’allient à Lui, l’Allié par excellence, qui pourvoit, nourrit et protège ceux qui le rejoignent (Dieu en effet ne peut être « croyant » ou « avoir la foi », problème sur lequel a longtemps butté une théologie lisant son Texte hors de son contexte anthropologique et sociétal). Cette alliance (îmân) semble avoir eu une dimension plus sociale que véritablement théologique : les Gens du Livre (Ahl al-Kitâb, traditionnellement interprétés comme les juifs et les chrétiens), mais aussi ceux qui reçurent un écrit surnaturel (Kitâb) avant vous (Cor. 4, 131 qui élargit plus encore le nombre de peuples, en cohérence avec la tradition qui veut que chacun aurait reçu un messager particulier) sont des mu’minîn, des alliés potentiels tant qu’ils ne recouvrent pas les signes de Dieu et se refusent d’être reconnaissants envers ses bienfaits (les kuffâr au sens propre) ou ne finissent par Lui associer des alliés surnaturels (les mushrikûn). 

Le mushrik, l’associateur, c’est donc celui qui postule un réseau d’associations surnaturelles entre différentes divinités ou êtres surnaturels dont faisait partie, à l’origine, le Dieu de Muhammad (le Seigneur mecquois dont il est question au début de la révélation (Rabb hâdhâ l-Bayt, Cor. 106,3)). Le mushrik cherche ainsi à établir des pactes avec ces divinités en espérant soutien et intercession auprès de Dieu qui affirme pourtant que cette dernière ne leur servira de rien (Coran 34,23). En contexte coranique, les mushrikûn et les kuffâr par excellence sont les Mecquois auxquels Muhammad n’aura de cesse de s’adresser, ceux qui l’ont banni, qui ont rejeté la nouvelle alliance qu’il leur proposait et qui aurait dû leur apporter fortune et leur éviter le châtiment divin, susceptible de s’abattre sur eux à tout moment.

C’est précisément au sein de cet univers de sens relatif à l’alliance qu’il faut lire et comprendre les quelques versets relatifs au mariage que l’on qualifie aujourd’hui de « mixte ». Alliance avec Dieu et son Prophète d’une part, mais aussi alliance politique et sociale entre tribus et leurs alliés/associés surnaturels – un élément qui prend d’autant plus d’importance que le verset 60,10 fut révélé, selon la tradition, après le Pacte de Hudaybiyya en 628. Ce dernier statuait entre autres que les musulmans médinois devaient renvoyer à La Mecque tout-e futur-e transfuge qui n’aurait pas eu l’accord de son protecteur (walî), ce qui permet d’éclairer le propos coranique.

Le verset 2,221 peut se traduire ainsi : « Ne mariez pas celles qui prêtent des associés à Dieu (mushrikât) tant qu’elles ne se sont pas ralliées (à Dieu et à son Prophète, mu’minât). Une esclave ralliée est meilleure qu’une associatrice, même si celle-ci vous émerveille. Ne donnez pas (vos femmes) en mariage à ceux qui prêtent des associés à Dieu tant qu’ils ne se sont pas ralliés. Un esclave rallié est meilleur qu’un associateur, même si celui-ci vous émerveille. Car ceux-là appellent au feu (solaire, nâr), tandis que Dieu appelle au Jardin et au pardon, par Sa permission. Il rend clair ses signes aux gens, peut-être se rappelleront-ils ? ». (Il convient de noter au passage toute la morgue sociale que le Coran reproduit, sans aucunement la contester, dans son argumentaire : il s’adresse à des hommes libres qui ne sont sensés se marier qu’avec des gens de même statut social. Se marier avec un associateur ou une associatrice serait une déchéance sociale pire que le mariage avec un-e esclave (fut-il/elle musulman-e). Attention de ne pas lire de manière anachronique un appel à préférer la foi sur le statut social en matière de mariage, il s’agit d’un discours d’exhortation et de contrôle social, pas d’un manifeste pour l’abolition de l’esclavage).

Quant au verset 60, 10, il déclare : « O vous qui vous êtes ralliés (à Dieu et à son Prophète, al-ladhîna âmanû), si des femmes ralliées (mu’minât) arrivent à vous, émigrantes (de la Mecque), soumettez-les à un test. Dieu est parfaitement informé de leur ralliement. Si vous les reconnaissez comme ralliées, ne les renvoyez pas chez les kuffâr (ceux qui refusent les signes de Dieu, les Mecquois précisément). Elles ne leur sont plus licites, comme ils ne leur sont plus licites. Rendez-leur ce qu’ils ont dépensés (la dot). Il n’y pas de faute pour vous à les prendre en mariage, pour autant que vous leur donniez leur part (une dot). 

Mosquée al Nabawi à Médine.
Mosquée al Nabawi à Médine.
Ne vous agrippez pas à vos liens avec les femmes qui refusent les signes de Dieu (kawâfir) : demandez ce que vous avez dépensez (pour les marier) et qu’ils (les kuffâr) demandent ce qu’ils ont dépensés également. Ceci est la décision de Dieu. Il juge entre vous et Dieu est Omniscient et Sage ».
 
Il est frappant de remarquer que l’interdiction de mariage mixte avec des associateurs/trices concerne tant les hommes que les femmes, de manière symétrique. Pourtant, la tradition jurisprudentielle et les croyances populaires vont juste retenir qu’il est licite pour le musulman d’épouser des femmes « des Gens du Livre », et interdire tout mariage de cette nature pour la musulmane.
 
Il est évident que les oulémas ont procédé par une lecture tronquée et doublement abusive du Coran : 

(1) la négation du contexte de la révélation : Muhammad tente de mettre sur pied, à Médine, une nouvelle alliance centrée sur sa personne et son Seigneur, qui devrait prendre le pas sur les alliances tribales et claniques traditionnelles, sans pour autant pouvoir faire fi de l’immense pouvoir structurant de ces alliances et relations entre familles, clans et tribus au sein de sa société. Il doit composer avec sa réalité et prendre en compte, en quelque sorte, deux niveaux d’alliance : « verticale » avec Dieu d’une part, et « horizontale » entre les hommes et leurs structures familiales d’appartenance. Le verset 60,10 témoigne du fait que des hommes musulmans (voire des femmes musulmanes) étaient encore marié-e-s avec des associateurs/trices à Médine sans que cela n’ait, semble-t-il, posé de problème majeur. Certains divorceront après l’annonce de ce verset d’après la tradition. En résumé, il s’agit pour le Coran de clarifier les alliances et les allégeances pour unifier cette communauté naissante autour de Muhammad et diminuer les risques de défection et de trahison potentielles, toujours susceptibles de mettre en grave danger cette communauté encore relativement faible et entourée d’adversaire hostiles et résolus. Il ne s’agit donc pas ici de questions fondamentalement théologiques, ou de savoir en quoi ou qui les contemporains du Prophète croyaient vraiment, mais qu’elles étaient leurs allégeances. Plus que de dogmatique, il s’agissait de stratégies de survie.

(2) Une double assimilation sémantique catastrophique qui va à l’encontre du Coran lui-même : d’une part entre mu’min et muslim : à savoir que ne seraient plus « mu’min » que les seul-e-s musulman-e-s à l’exclusion de tous les autres peuples ayant reçu un écrit surnaturel (kitâb), et en particulier des juifs et des chrétiens qui font pourtant coraniquement partie des mu’minîn (or les versets cités ne parlent à aucun moment des musulman-e-s (muslim-a), mais des rallié-e-s (mu’min-a)) ; et d’autre part entre mushrik-a et kuffâr/kawâfir et ahl al-kitâb, à savoir entre associateur/trice et dénégateur/trice des signes de Dieu avec les Gens du Livre (chrétiens et juifs a minima). En effet, l’Union Internationale des Oulémas Musulmans, en prétendant dire que la musulmane ne peut se marier qu’avec un musulman, prétend que tout qui n’est pas musulman est d’office mushrik ou kâfir, ce qui constitue une lecture tellement restrictive du Coran qu’elle en devient malhonnête, d’autant que le contexte coranique renvoie sans équivoque aux Mecquois dits « polythéistes », même si ce terme n’est pas des plus appropriés pour qualifier leur probable manière de croire. En tous cas, de tels détournements de sens sont particulièrement graves pour des oulémas qui prétendent assurer la guidance d’une communauté spirituelle globale.
 
Un véritable travail de théologien aurait consisté à reconnaître que rien ne s’oppose coraniquement, ni dans la tradition prophétique au mariage d’une musulmane avec, au minimum, une personne relevant des communautés ayant reçu un livre auparavant, comme le démontre d’ailleurs l’analyse très fine du Dr. Al-Ajamî.

Egalité des droits en Tunisie : De l’urgence de déconstruire les manipulations des oulémas
Un tout autre chantier serait de s’interroger sur ce qu’est un « mushrik » au 21ème siècle, à l’heure où l’associationisme auquel faisait référence le Coran, présent au début du 7ème siècle à l’Est de la Péninsule arabique, a définitivement disparu ainsi que la société qui le portait. Plus largement encore, comment peut se réfléchir l’alliance avec Dieu (îmân) et avec les hommes dans nos sociétés modernes ? Repose-t-elle désormais sur la foi, sur l’apparentement familial et clanique, sur l’allégeance à un projet collectif et/ou à Dieu ? (M. Privot, Eléments d’une théologie islamique de la diversité, Revue Politique, à paraître novembre 2017). Dès lors que les conditions sociales et politiques qui ont mené à la promulgation de ces versets relativement restrictifs sur les opportunités matrimoniales des musulman-e-s ont disparu, ces restrictions sont-elles encore opportunes et valides ?

Un vrai travail théologique consisterait également à reconnaître que cette interdiction du mariage mixte pour la musulmane résulte de la projection sur le Texte – jusqu’à effectuer un retournement radical de sa signification première – des conceptions profondément patriarcales des oulémas médiévaux qui ont « fondé » ce fameux consensus. Ce faisant, ils ont sacralisé une anthropologie médiévale spécifique qui constituait la femme en un être sans aucune agencéité, toujours soumise au vouloir de son mari et des hommes de son clan, mineure à vie, dont la sexualité doit être domestiquée et dont la circulation ne peut avoir lieu qu’au sein d’un marché matrimoniale exclusivement endogène (cf. l’idéal du mariage de la bint al-‘âm, la fille de l’oncle paternel dans sa formule la plus exclusiviste), supposément garant de la cohésion et de l’identité du groupe (et par extension de la culture et de la société). D’aucuns n’hésiteront pas à rajouter, transposant au sein de la famille la conception impériale d’un islam nécessairement dominant, que celui-ci ne peut en aucun cas être dominé, ce qui serait le cas si une musulmane épousait un non musulman – la transformant du coup en étendard de l’islam. Partant, on peut comprendre que des oulémas médiévaux, en contexte de croisades, soient parvenus à la conclusion qu’il est interdit à la musulmane d’épouser un non musulman. Le droit malékite, à la base du droit de la famille dans les pays maghrébins, semble avoir été le plus intransigeant en la matière, avec l’impact que l’on constate au quotidien au sein des familles quant à la question de l’éventualité d’un mariage mixte.

A l’heure où les représentations sociétales de la femme ont profondément changé, y compris dans les pays traditionnellement musulmans, où elle a acquis de haute lutte son droit à l’indépendance (avec des variations notables, certes), et où son agencéité, son autonomie et son pouvoir de décider de sa vie lui sont légalement reconnus (même s’ils sont parfois niés par la culture et la tradition), la théologie islamique et la jurisprudence qu’elle oriente ne peuvent décemment plus continuer à promouvoir sans le questionner une vision du monde et de la société, en particulier de la femme, ancrée dans une anthropologie désormais révolue. L’urgence théologique consiste précisément à souligner le fait que cette sacralisation n’est qu’une construction sociale historiquement située (et donc critiquable et réversible) visant principalement – sous couvert de religion et de sacré – à garantir à l’homme une série de privilèges, dont un marché matrimonial préservé de toute concurrence externe n’est pas le moindre.

Dès lors que les constitutions et législations civiles des pays européens en tous cas, et de la plupart des pays traditionnellement musulmans, offrent des garanties suffisantes de protection des libertés individuelles, y compris en matière de liberté de conscience et de culte, et ce y compris à l’intérieur d’un couple, et qu’elles garantissent aux époux/ses qui se sentiraient lésé-e-s des protections et des droits de recours, cette interdiction religieuse du mariage de la musulmane avec un non musulman n’a plus aucune raison d’être – d’autant que le Coran lui-même ouvre déjà à de tels mariages avec l’ensemble des ralliés (parmi les gens du livre). Paradoxalement, dans une fatwa qui avait fait sensation à l’époque, le Conseil européen pour la fatwa et la recherche, présidé par le même Yûsuf al-Qaradawî, avait affirmé que rien n’empêchait une femme mariée qui se convertirait à l’islam de demeurer avec son époux dès lors que leur mariage est fondé sur l’entente et le respect réciproque. Déjà à cette occasion, nombreux/ses étaient celles et ceux qui avaient souligné une contradiction inhérente entre cette autorisation et l’interdiction pour la musulmane de contracter un mariage similaire – y aurait-il des agencéités différentes pour la musulmane convertie et la musulmane « de naissance » ? Certains mariages créeraient-ils des pratiques différentes de respect et d’entente mutuelle entre les époux ?

On le voit, sur ce sujet comme sur tant d’autres, le paradigme herméneutique et jurisprudentiel islamique traditionnel atteint ses limites de fonctionnement. Ses contradictions internes deviennent de plus en plus visibles et difficiles à gérer dans un monde globalisé, connecté et dont l’anthropologie évolue à toute vitesse, augmentant la dissonance avec l’épistémè (au sens foucaldien) islamique médiévale, voire même de l’Antiquité tardive à laquelle le Coran s’adressait au premier chef, et au sein de laquelle les oulémas classiques ont opéré.

L’Union Internationale des Oulémas Musulmans a préféré le rappel à l’ordre et la perpétuation non critique d’une conception médiévale de l’être humain qu’elle s’obstine à sacraliser au passage. Elle use en outre de procédés rhétoriques intellectuellement malhonnêtes pour emporter une adhésion émotionnelle au lieu d’ouvrir un débat de fond sur des questions qui orientent la vie de millions d’individus, femmes et hommes, qui tentent de bâtir une société inclusive et respectueuse en partant de leur engagement personnel et amoureux. Nous connaissons tou-te-s des histoires tragiques de vies brisées ou rendues impossibles à cause de cette supposée interdiction du mariage mixte pour la musulmane, voire pour le musulman selon certaines traditions. Aux oulémas qui se targuent de guidance et d’interpréter la parole de Dieu, il conviendra de rappeler, en temps voulu, leur responsabilité personnelle dans ces millions de destins tragiques pour avoir refusé d’agir en véritables théologiens et préféré la continuation du contrôle social du corps et du destin de la femme musulmane plutôt que son émancipation, la reproduction d’une tradition patriarcale plutôt que l’exploration, à la lumière de leur foi, des nouveaux horizons qu’ouvrent nos sociétés plurielles.

Quant aux musulmanes et aux musulmans qui souhaitent s’engager dans un mariage interconvictionnel, qu’ils/elles prennent leurs responsabilités sans culpabiliser et aillent de l’avant avec l’élu-e de leur cœur. Personne n’est né pour être l’étendard d’une religion ou d’une idéologie. Notre mission sur Terre n’est pas de produire des enfants qui perpétueront une foi, une religion, une croyance particulière, mais de poursuivre nos rêves, en tous cas ceux qui nous permettent d’être en accord avec nous-mêmes, de répandre du bien et du beau autour de nous, et nous apportent une certaine félicité. Des gens quitteront l’islam, d’autres y rentreront – indépendamment de nos choix de vie personnels et de l’éducation que nous proposerons à nos enfants. Le destin d’une religion n’a pas à être au centre de nos préoccupations vitales : si une religion finit par s’éteindre faute de fidèles, c’est qu’elle a perdu toute pertinence pour son temps. Par contre, si une chose est attendue de chacun-e d’entre nous, c’est d’envisager avec l’élu-e de notre cœur nos projets de vie : quelle place y auront nos croyances respectives, nos pratiques religieuses (ou pas) et ce que l’on considérera important de transmettre à nos enfants si l’occasion se présente, les concessions que chacun-e devra faire (ou pas) par loyauté familiale ou à sa tradition, et ce que chacun-e sera prêt-e à négocier pour faire fonctionner un foyer interconvictionnel. Le reste ne regarde que chacun-e d’entre nous (et son Seigneur le cas échéant).


Dr. Michaël Privot
Islamologue
Auteur de « Quand j’étais Frère musulman », parcours vers un islam des lumières, Paris-Bruxelles, La Boîte à Pandore, 2017.




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