Les cahiers de l'Islam
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Amine Djebbar
Co-fondateur historique du site internet "Les cahiers de l'Islam" et des "éditions Les cahiers de... En savoir plus sur cet auteur
Vendredi 19 Juillet 2019

« Somos Musulmanes *», rencontre avec Dhia Ben Naser.



Dhia Ben Naser est co réalisateur du documentaire sur les Tzotzils intitulé « Somos Musulmanes *» et membre de l’association et de l'équipe de production « Repères et Vocations »

* "Nous sommes Musulmans"

 

Somos Musulmanes
Durée : 70 minutes
Réalisation : Dhia Ben Naser, Gabriel Marchand, Ouissem Satouri
Production : Repères et Vocations
2019 France


Amine Djebbar :  Pouvez-vous présenter votre association aux lecteurs (trices) des cahiers de l’Islam, les raisons de sa création et le parcours spécifique de ses membres fondateurs ?
 
Dhia Ben Naser  :  Repères et vocations c’est au départ trois jeunes, avec des personnalités et des parcours très différents, mais porteurs d’une même quête : se rendre au croisement de l’histoire des peuples et interroger les secrets de la nature humaine.

    A vrai dire, nous étions trois étudiants originaires de banlieues qui avaient pour habitude de fréquenter un cercle de lecture à Paris et qui pensaient que le voyage était aussi une forme incontournable d’apprentissage. Nous ne savions pas encore exactement où, comment et pourquoi… Notre première idée de voyage, à bord du transsibérien, fut vite abandonnée.

   Gabriel Marchand, l’initiateur du projet, nous a alors convaincus que la Bosnie devait être la première destination. Il est l’aîné du groupe, tout juste quelques années de différence avec Ouissem Satouri et moi (Dhia Ben Naser). C’est également un passionné d’histoire et particulièrement celle des Balkans. Ouissem, quant à lui, est féru de journalisme et avait déjà réalisé différentes interviews à Paris. Pour ma part, je réalisais occasionnellement des clips de rap.

   De par nos expériences et intérêts respectifs, nous avions tous les ingrédients pour nous lancer dans l’aventure et produire un documentaire de qualité.
« Cela fait plusieurs années que l’on parle de l’islam en France, que l’on questionne notre identité, notre rapport à l’Europe etc... Pourquoi n’avons-nous jamais pensé à étudier et tirer des enseignements de l’Islam Bosniaque ? »

Nous sommes donc partis en Bosnie avec comme fil conducteur la rencontre avec la jeunesse de Sarajevo qui n’a pas vécu la guerre (de 1992 à 1995) mais qui en est l’actuelle victime. A notre arrivée, nous avons aussi découvert la capitale de l’islam européen. Un islam ancré en Europe depuis le XVème siècle. Nous nous sommes spontanément dit : « Cela fait plusieurs années que l’on parle de l’islam en France, que l’on questionne notre identité, notre rapport à l’Europe etc... Pourquoi n’avons-nous jamais pensé à étudier et tirer des enseignements de l’Islam Bosniaque ? ». C’est donc suite à ce voyage que l’idée de réaliser une série documentaire à la rencontre de minorités musulmanes, à la fois minoritaires et autochtones, est née. Pour la plupart de ces communautés, la question du vivre ensemble, tout en préservant leur identité culturelle et cultuelle, est un phénomène pluri séculaire. Elles ont été pour nous une très grande source d’inspiration.

 

A. D :  Dans la continuité de votre série documentaire à la rencontre de minorités musulmanes à travers le monde (NDLR : les deux premiers documentaires étant « Le chemin de Sarajevo » et « Sur la trace des Hui ») vous venez de réaliser un film sur la communauté Tzotzil au Mexique. Comment avez-vous découvert l’existence de cette communauté assez méconnue ? Pouvez-vous nous présenter brièvement cette population ?
 
D. B N  :  Lorsque nous nous sommes décidés à réaliser une série documentaire sur des populations musulmanes ayant la spécificité d’être à la fois native et autochtone, nous avons commencé par faire des recherches et recenser l’ensemble des ethnies/peuples qui répondaient à ce double critère.

   Nous nous sommes aidés des moteurs de recherche sur internet, notamment Google, avec pour mos clés « Islam in … ». Au gré de nos recherches sur différents pays, nous avons abouti sur un article du site Wikipédia faisant référence à la communauté Tzotzil au Mexique. La phrase qui a suscité notre intérêt était la suivante: « A small community of Tzotzil muslims lives in the south of Mexico in the region of Chiapas ». Ce fut le point de départ de nos recherches sur cette communauté.

 
« Les Tzotzils musulmans du Chiapas au Mexique, ont une histoire si particulière et si inédite dans l’histoire contemporaine qu’il était évident pour nous de les intégrer à la série documentaire ».

Les Tzotzils musulmans du Chiapas au Mexique, ont une histoire si particulière et si inédite dans l’histoire contemporaine qu’il était évident pour nous de les intégrer à la série documentaire. Néanmoins, nous avions prévu que cet épisode soit le dernier de la série car leur histoire, en comparaison avec les autres ethnies/peuples, est chronologiquement la plus récente (années 1990). Hormis quelques reportages, notamment ceux d’AJ+ ou de Vice, aucun documentaire français n’avait été fait sur ce sujet. Nous nous sommes donc dit qu’il fallait le réaliser en priorité.


   Sans trop dévoiler le contenu de notre documentaire, l’islam est arrivé dans la région du Chiapas par l’intermédiaire d’une confrérie soufie nommée « les mourabitunes » qui a voulu participer au soulèvement zapatiste dans les années 90. Le soulèvement populaire zapatiste était une tentative de révolution contre le gouvernement mexicain en faveur des droits et de la reconnaissance du peuple indigène, très marginalisé dans le pays. Leur chef était l’emblématique sous Commandant Marcos. La confrérie n’a jamais réussi à convaincre le sous Commandant des convergences qui pouvaient exister entre l’islam et les idéaux de justice, d’égalité et de dignité recherchés par les zapatistes ; mais plusieurs chefs de familles tzotzils, à l’époque soldats zapatistes, s’y sont intéressés et ont fini par se convertir. La particularité de cette conversion est le fait qu’elle se soit basée sur un modèle familial qui n’existe plus dans nos sociétés actuelles. Lorsque le père de famille choisit une voie, c’est toute la famille qui l’accompagne dans ce choix. Ainsi la conversion de 3-4 chefs de familles tzotzils à l’islam a eu pour conséquence la naissance d’une communauté musulmane tzotzil comptant environ 600 fidèles.
© Repères et vocations
© Repères et vocations


A. D : Y a t il un courant de pensée émergeant ou bien, à l’instar de la communauté musulmane française, s’agit il d’une communauté hétérogène ?
 
D. B N  :  L’islam est arrivé à travers une confrérie soufie, le soufisme est donc assez bien implanté localement. Il y a également un groupe de tendance Wahabite, un groupe d’Ahmady et enfin la confrérie mourabitunes, la communauté originelle, qui est plutôt en retrait et assez isolée des autres groupes.

 

A. D  :  Quels types de relations entretient-elle avec le reste de la population mexicaine ? A-t-elle des connexions avec des musulmans à travers le monde ?
 
D. B N  :  Après le 11 septembre 2001 et la situation géopolitique que l’on connait, les Tzotzils ont souffert de différents clichés à l’instar des minorités musulmanes, de manière générale, en Occident. Les premiers articles de presse mexicains sur ce phénomène avaient pour titre « Al Qaida au Chiapas » par exemple. Néanmoins, le Mexique étant un pays profondément croyant, nous n’avons pas perçu de difficultés particulières liées à la pratique de leur culte, même si, étant une population très pauvre, nous avons notamment pu constater qu’il était difficile pour les Tzotzils d’avoir leur réseau local de viande halal.

   Ils entretiennent des liens avec les musulmans de Mexico, du Guatemala (pays frontalier à la région du Chiapas) et certaines associations humanitaires, notamment turques, ayant effectué des actions dans la région.


 

© Repères et vocations
© Repères et vocations
A. D  :  Avez-vous rencontré des difficultés particulières lors de votre tournage sur place ?
 
D. B N  :  La difficulté première était de rentrer en contact avec cette communauté et trouver un interlocuteur/personne pouvant nous accueillir. En réalité, cela a été la principale difficulté mais une fois le contact trouvé, nous avons été chaleureusement accueilli, qui plus est avec beaucoup de facilité.

   La seconde difficulté était l’obstacle linguistique. Beaucoup de tzotzils ne parlent pas la langue espagnole et il était toujours difficile de mener une discussion avec un groupe lorsque personne ne parlait cette dernière. Nous tenons d’ailleurs encore à remercier Yassin Alamy qui nous a accompagné durant ce voyage en tant qu’interprète.

 

A. D  :  Quelle est la date de sortie de votre film et quels seront les lieux de projection ?
 
D. B N  :  L’avant-première aura lieu le 27 septembre 2019 à 19h30 au cinéma CGR Porte des Lilas (Région parisienne). Nous organisons ensuite une tournée nationale indépendante et en collaboration avec différentes associations locales. Pour rester informé de nos différentes activités, le public peut nous suivre à travers nos différents réseaux sociaux : instagram, facebook et twitter et notre site internet (Repères et Vocations).

Propos recueillis par Amine Djebbar pour Les cahiers de l’Islam.


 


 

« Somos Musulmanes *», rencontre avec Dhia Ben Naser.






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