Les cahiers de l'Islam
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Muhammad Farooq Khan
Chercheur, éditorialiste et présentateur de télévision à Peshawar (Pakistan), il est décédé en 2010... En savoir plus sur cet auteur
Dimanche 28 Avril 2013

Peut-on justifier le terrorisme au nom de l'islam ?



Peut-on justifier le terrorisme au nom de l'islam ?
Chaque fois que le terrorisme frappe au Pakistan et que des vies innocentes sont perdues, chacun se demande au nom de quelles injonctions islamiques les auteurs prétendent justifier leurs actes. La Province de la frontière du Nord-Ouest, où j'habite, est particulièrement instable depuis quelque temps. De plus en plus, les gens s'indignent des raisonnements aberrants invoqués par les auteurs des attentats suicide pour tuer nos familles, nos amis, nos voisins.

Ces trente dernières années ont vu une prolifération des organisations musulmanes militantes comme al-Qaïda et le Djihad qui se livrent à une guerre autoproclamée contre les autres - qu'il s'agisse de pays étrangers, de leurs propres pays, voire des membres d'autres groupes religieux ou ethniques qui sont pour eux des oppresseurs. Ce dévoiement résulte d'une incapacité à comprendre le Coran dans le contexte voulu et du refus d'assortir la lecture du Coran de celle des dits et actes du Prophète (sws), ou hadith.

Prenant le Coran au pied de la lettre, de nombreux croyants estiment que certains versets incitent à la violence. On cite en particulier le verset 22.39: "Autorisation est donnée à ceux qui sont attaqués (de se défendre) - parce que vraiment ils sont lésés; et Dieu est certes Capable de les secourir ." Pour de nombreux fidèles, ce commandement donnerait à chaque musulman lésé, pris isolément ou collectivement, l'obligation de combattre par la violence toute oppression qu'il ressentirait.

Les éminents juristes musulmans des 8e et 9e siècles qui ont fondé les cinq écoles de jurisprudence islamique - hanafite, hanbalite, shaféite, malékite et jaafarite – affirment tous que les musulmans ne sauraient faire la guerre sans qu'un Etat ou un gouvernement sanctionne cette démarche. Leur argument est conforme au dit du Prophète: “Le commandant (des musulmans) n’est qu’un véritable abri (pour eux). Ils combattent derrière lui."

Il y a une logique derrière ce précepte. Si chaque musulman avait le droit de faire la guerre pour son propre compte, les musulmans iraient en ordre dispersé, sans aucune autorité pour les lier entre eux. Il en résulterait le chaos et l’anarchie, c’est-à-dire le contraire même de l’esprit de l’islam. Le Coran dit bien: “Et ne semez pas la corruption sur la terre après qu'elle ait été réformée”.(7.56).

L’autorité d’un Etat est nécessaire, non seulement pour maintenir l’ordre à l’intention des musulmans, mais aussi en raison de l’importance et du poids des pactes en islam. Le Coran prescrit que, là où il existe un traité de paix entre une nation musulmane et un pays non musulman, la première ne doit pas déclarer la guerre au second, même pour aller au secours de musulmans qui y seraient opprimés: “[…] vous ne serez pas liés à eux, jusqu'à ce qu'ils émigrent. Et s'ils vous demandent secours au nom de la religion, à vous alors de leur porter secours, mais pas contre un peuple auquel vous êtes liés par un pacte”. (8.72)

La raison de cette injonction est que des relations positives entre deux grandes entités — qu’il s’agisse de pays, d’Etats ou de communautés — sont indispensables au maintien de la paix générale, alors que faire la guerre à un autre pays pour y sauver une minorité musulmane opprimée détruit les relations et produit la discorde pour une majorité de la population.

Ce n’est qu’après la formation de la première entité politique musulmane à Médine, où le prophète Mohammed s’était rendu avec ses compagnons après avoir quitté La Mecque et ses persécutions, que la guerre a été autorisée pour défendre cet état naissant contre ses agresseurs. Ainsi, les versets du Coran qui invitent la population à participer à la guerre contre l’oppresseur et l’agresseur n'ont été révélés qu'à l’époque du séjour de Mohammed à Médine, une fois créé l’Etat musulman. A cette époque, le concept d’armée nationale n’existant pas, il était indispensable de convaincre le musulman ordinaire, au nom de l’Etat et avec son approbation, de prendre les armes pour protéger la jeune entité musulmane.

Le Coran affirme constamment que la guerre n'est toujours qu'un dernier ressort et qu'elle doit respecter toutes les valeurs humaines: "Dieu ne vous défend pas d'être bienfaisants et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus pour la religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures. Car Dieu aime les équitables. Dieu vous défend seulement de prendre pour alliés ceux qui vous ont combattus pour la religion, chassés de vos demeures et ont aidé à votre expulsion. Et ceux qui les prennent pour alliés sont les injustes." (60.8-9).

On le voit, ces versets prouvent qu’aucun individu, aucun acteur non étatique n’est autorisé à faire la guerre au nom de l’islam ou au nom d’une communauté musulmane quelconque, qu’elle soit locale ou universelle. Les musulmans feraient bien de retourner aux sources — le Coran et les hadith authentifiés — pour mieux comprendre leur message clef: respect du droit international et respect de l’esprit de paix et de justice qui inspirent l'islam.

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En partenariat avec le Service de Presse de Common Ground (CGNews)






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