Les cahiers de l'Islam
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Samedi 26 Janvier 2019

Le corps et les rites de passage chez les femmes du Yémen



Parmi la multitude de matières et de techniques traditionnelles utilisées par les femmes yéménites dans les rites de passage, j’ai choisi d’en présenter quatre : le henné, deux encres noires (khiḍâb et ṣabr), et le tatouage. Le henné et le khiḍâb marquent la transition de la maison des parents à l’autorité du mari et la vie conjugale. Le tatouage parmi les Bédouines correspond au voile des citadines, signe de la puberté. Le ṣabr, appliqué à la jeune mère et au nouveau-né, protège surtout contre les menaces du mauvais œil et des djinns. À part la connotation magique, que véhiculent toutes ces matières, la vision de ces pratiques par les femmes, qui d’ailleurs jouent un rôle plutôt passif pendant les rituels, souligne leur côté esthétique. Par quelques aspects, on peut remarquer actuellement une tendance à donner un sens profane à ces cérémonies.


Dans une société yéménite extrêmement attachée aux traditions, observant des règles coutumières très rigoureuses, qui soulignent et renforcent la ségrégation des sexes, la différence de présentation du corps féminin dans le monde extérieur, parmi les hommes non-maḥârim [1], et dans le monde intérieur, parmi les maḥârim et dans le contexte ḥarâm, est frappante. Un synonyme courant pour le mot « femme » définit celle-ci précisément par la position qu’elle occupe hors de la parenté masculine désignée par le terme maḥârim :
 
« Le code de pudeur exigeant que l’on ne parle pas crûment des femmes, recourt pour les nommer à l’euphémisme ḥarâm, champ féminin par excellence… un lieu défendu, donc sacré » (Champault, 1985 : 186).

À « l’invisibilité » publique s’oppose une riche mise en scène dans un entourage limité et bien déterminé.

J’ai eu accès à ce monde féminin entre les années 1994 à 2000, lors de plusieurs séjours au Yémen à l’occasion de mes recherches sur les matières végétales, animales et minérales que les femmes yéménites utilisent pour décorer ou parfumer leur corps (Schönig, 2002). Mon intérêt se concentrait alors surtout sur la culture matérielle, la description des matières et des outils, des techniques de production et d’application, ainsi que sur la terminologie.

Les occasions pour appliquer l’une de ces matières sur le corps sont nombreuses. La plupart d’entre elles se présentent lors des rites de passage (Bowie, 2001: 161): grossesse et accouchement, naissance, puberté, mariage, mort. Ce sont des actions et réactions, profanes et sacrées, qui marquent les étapes de la vie, qui accompagnent la transition d’un groupe social à un autre, d’un état à un autre, d’une occupation à une autre. La purification et la mise en scène du corps font partie de la transformation des conditions physiques destinées à faire obtenir les qualités spirituelles exigées, c’est-à-dire la pureté cultuelle (Khuri, 2001 : 31, 34). Dans ces changements d’état et de conditions qui placent la femme dans des relations modifiées envers le monde masculin, le « sacré n’est pas, en fait, une valeur absolue, mais une valeur qui indique des situations respectives » (Van Gennep, 1909 : 16).

Je voudrais dans un premier temps résumer la partie descriptive de ma recherche et présenter la préparation et l’application de quelques-unes des matières examinées. En dehors de l’utilisation du henné et du kohl (noir des yeux) bien connus, les multiples coutumes yéménites font appel aussi à ce qu’on nomme le henné noir, aux encres noires, à l’indigo, au tatouage, à plusieurs matières colorantes rouges et jaunes, à des mixtures odoriférantes, à des plantes à laver (qu’on emploie aussi pour laver les morts), à des crèmes parfumées, à des encens : des matières qui s’appliquent sur la peau, les cheveux, les vêtements… Joseph Chelhod (1985 : T. III, 256) observe que, dans le monde féminin yéménite, « les quelques gestes rituels qu’on observe sont répétés par habitude, sans qu’il leur soit attribué une réelle valeur ». Néanmoins, les femmes que j’ai interviewées rapportent ces différentes opérations, souvent pratiquées dans un contexte religieux, comme lors des fêtes islamiques, à des mobiles d’ordre magique ou esthétique, tout en prenant en considération les distinctions de la charia entre pur et impur, licite et illicite. Et Aïda Kanafani (1983 : 2), qui a travaillé sur la question de l’esthétique et du rituel dans les Emirats Arabes Unis, en prenant en considération les rituels de l’alimentation et du corps, écrit :
« These rituals are also meant to purity [sic] either by identifying with what the Prophet said, did, or recommended or by the action of the magical properties attributed to them ».

Ceci nous incite à retourner à la définition d’Arnold van Gennep (1909 : 17), selon laquelle les techniques (cérémonies, rites, cultes) religieuses renvoient à la magie. Je tenterai de vérifier dans les exemples choisis la théorie de van Gennep (1909 : 14), selon laquelle chaque rite de passage contient trois phases : les rites de séparation (rites préliminaires), les rites de marge (rites liminaires) et les rites d’agrégation (postliminaires). Parmi la variété de matières et de techniques utilisées par les femmes yéménites, j’en ai choisi quatre pour les présenter ici : le henné - connu, encore qu’il y ait des occasions particulières qui méritent d’être mentionnées dans notre contexte -, deux encres noires : khiḍâb et ṣabr, et le tatouage.

Le henné (ḥinnâ’)

Il s’agit des feuilles pulvérisées de la plante Lawsonia inermis Lam., qui est cultivée de la Méditerranée jusqu’aux Indes. Pour l’employer, il faut en mélanger la poudre avec un liquide afin d’obtenir une matière visqueuse. Ce liquide peut être du thé, du café, ou de l’hibiscus. On préfère en tout cas un liquide qui renforce la couleur rouge. Le henné peut être appliqué sur les cheveux, la peau et les ongles. Ce sont surtout la peau et les ongles qui sont teints à l’occasion des fêtes (Schönig, 2002 : 112-122).

On observe différentes techniques pour appliquer le henné : en utilisant les doigts, pour avoir une teinture étalée soit sur la paume de la main soit sur la plante du pied ; en recourant à un modèle en matière plastique pour obtenir des dessins surtout floraux et géométriques ; en se servant d’un instrument aigu, aujourd’hui remplacé dans beaucoup de cas par un piston à décorer en plastique qui produit un dessin très filigrané, mais qui demande une certaine habileté. C’est pourquoi cette dernière technique est surtout pratiquée par des professionnelles, qui se rendent dans la famille de la femme qui doit être décorée.

Le mariage

Le henné, qui est dit porter la baraka, sert avant tout à la protection contre le mauvais œil et les djinns, et à la purification (Westermarck, 1933 : 110 et suiv.), ce qui explique sa fonction dans les rites de passage. Il est associé à un ensemble de cérémonies purifiantes, parmi lesquelles le bain au ḥammâm, l’épilation et l’habillement, qui constituent la pureté, préalable rituel au mariage [2].
 
« Avant la fête [mariage], les préparatifs concernent surtout le corps de la fille. … de nombreuses opérations sont effectuées sur le corps, qui sont autant de marques de la préoccupation de se détacher de l’ancienne peau, sale, noire, sèche et profane pour l’échanger contre une nouvelle peau blanche, belle, douce et pure : toilette attentive au hammam, application de henné, maquillage reçu comme invitation à l’amour » (Bedhioufi, 2000 : 151).

Dans le Wâdî Ḥaḍramawt, une coutume était attestée jusque dans la seconde moitié du xxe siècle, selon laquelle les femmes de la parenté ou le père surprenaient la fille en lui jetant une serviette sur la tête, lui annonçaient le mariage avec un tel, et la conduisaient à une cabane - une cérémonie de séparation donc. Puis elle était décorée avec du henné. Dans la terminologie locale ces « fiançailles » avaient lieu le jour de qabḍa [3] (Ṣabbân [1400/ 1980] : 87 et suiv. ; 129, note 43 et Chelhod, 1985 : 253 et pour le Nord : 233), ḥikâ [4] (Ṣabbân [1400/ 1980] : 87 et suiv. et 129, note 43), marja [5] ou rubûṭ [6].

Dans le Wâdî Ḥaḍramawt, l’accouchement a lieu dans la maison des parents de la femme. Après les 40 jours de purification qui suivent la naissance, pendant lesquels il lui est interdit de travailler, tandis que les amies, les femmes de la famille et les voisines lui rendent visite chaque jour, se déroule une fête de retour chez elle, c’est-à-dire à la maison de son mari. Le corps de la jeune mère est d’abord décoré de henné par des professionnelles. Pour cette occasion, ce sont quatre femmes (naqqâshât7 ou muḥanniyât) qui sont embauchées, deux pour les mains et les bras, et deux pour les pieds et les jambes (Schönig, 2002 : 189). Il en va de même pour la préparation au mariage, puisqu’en fait la signification est la même : on (re)donne la femme à son mari pour une (re)prise du contact sexuel après qu’elle a été ḥarâm pour lui.

Les ustensiles d’une muḥanniya à Say’ûn (H. Schönig)
Les ustensiles d’une muḥanniya à Say’ûn (H. Schönig)


La salle de fête préparée pour un double mariage à Ṣan‘â’ (H. Schönig)
La salle de fête préparée pour un double mariage à Ṣan‘â’ (H. Schönig)


En 2000, j’ai assisté à une fête du quarantième jour (wufâ’) à Say’ûn, dans le Wâdî Ḥaḍramawt, qui a confirmé par les circonstances particulières que j’ai pu observer, qu’il s’agissait bien d’un rite de retour chez le mari plutôt que de relevailles des couches (Schönig, 1998 : 255 et suiv.). En effet, alors que le nouveau-né concerné était mort, la fête avait quand même lieu. Les femmes qui m’avaient invitée à les accompagner n’avaient même pas trouvé nécessaire de m’informer de ce fait[8].

Les motifs invoqués par les femmes pour justifier la décoration avec le henné sont la magie, c’est-à-dire la protection contre le mauvais œil et les djinns, et surtout l’esthétique. La priorité de l’esthétique est prouvée a contrario par les réactions hostiles et les ordonnances de prohibition de la part des autorités hadramites (sultanat de Kathîrî) dans la première moitié du vingtième siècle. Celles-ci se déclaraient heurtées par l’effet séduisant du corps décoré avec le henné, qu’elles jugeaient comme relevant de la fitna[9]. Selon la loi religieuse cependant le henné est licite comme moyen de beauté (Baiḥânî [1950] : 109), ce qui se fonde sur le fait qu’il est permis de faire la prière avec le henné sur les ongles, tandis qu’on dit du vernis à ongles qu’il empêche l’eau de les toucher et invalide donc l’ablution[10].

Le henné en tant que moyen de beauté se manifeste aussi dans ce proverbe de la Tihâma (région côtière de la Mer Rouge), qui parle ainsi de quelqu’un particulièrement attentif à son apparence : ‘Alî b. ‘Alî muḥannî muṭallâ wu-biṭnuh khalî. - ‘Alî b. ‘Alî est peint avec le henné sur tout son corps, mais il a l’estomac vide (‘Umarî, 1993 : 123 et suiv, n° 274).

Khiḍâb (une encre noire)

Dans beaucoup de régions, une encre noire est préférée au rouge du henné (Schönig, 2002 : 99-110). Elle est produite à base de noix de galle (‘afṣ), d’oxyde de cuivre (sikka) et de sel d’ammoniac (shâdir) dans une procédure et avec des instruments traditionnels.

Avant l’application - qui a préférablement lieu le soir pour que l’encre puisse sécher toute la nuit - la pierre ainsi produite est pulvérisée et mélangée avec de l’eau pour obtenir l’encre noire, qui est appliquée sur la peau avec une épine d’acacia ou une aiguille. Puis les parties peintes sont enduites avec de la vaseline, poudrées et finalement enveloppées dans une pièce d’étoffe recouverte d’un plastique, qu’on n’enlève que le lendemain pour se laver.

Si l’on revient au modèle de van Gennep, l’on peut dire que la peinture du corps avec du henné et du khiḍâb pourrait bien être une cérémonie de transition par excellence, appartenant donc aux rites de marge ou liminaires. Dans les cas du mariage et du retour au mari après l’accouchement, la peinture est pratiquée dans la maison des parents de la fiancée ou de la jeune mère, qui la transporte sur son corps dans la maison de son mari, où elle s’effacera après une période, lorsque la transition et l’intégration dans l’autre milieu seront accomplies. De plus, la femme est manifestement remise dans son contexte social antérieur, parce que les peintures ne doivent être vues que par d’autres femmes, le mari et les maḥârim.

Les mains peintes avec le khiḍâb (C. Schönig)
Les mains peintes avec le khiḍâb (C. Schönig)


Les morceaux de khiḍâb (H. Schönig)
Les morceaux de khiḍâb (H. Schönig)

Visage tatoué d’une femme du Wâdî Mawr (H. Schönig)
Visage tatoué d’une femme du Wâdî Mawr (H. Schönig)

Le tatouage (washm)

Le mot de tatouage (Schönig, 2002 : 308-314) désigne uniquement le procédé selon lequel la peau est percée avec une aiguille ou un instrument semblable, avant d’introduire une matière colorante (indigo, suie, kuḥl) dans la blessure. À cause de cette blessure de la peau, le tatouage est en principe interdit aux musulmans (Krawietz, 1991 : 267) d’après les hadiths qui disent que Dieu a maudit celles qui pratiquent le tatouage (wâshimât) ainsi que les femmes tatouées (mustawshamât) [11].

Parmi les femmes du Wâdî Mawr (Tihâma), le tatouage est pratiqué avec une encre qu’on produit à base de jus de luzerne (qaḍb) et de suie (ṣada). La matière employée la plus naturelle est toutefois le lait maternel, que l’on préfère si l’on peut en disposer.


La puberté

Parmi la population sédentaire, le voile marque la transition vers une période « d’invisibilité sociale » (Boxberger, 2002 : 127) : la puberté, un état physique qui transforme la fille en une femme capable d’enfanter. Parmi les Bédouines - j’ai parlé avec des femmes de la Tihâma et du Wâdî Ḥaḍramawt - qui ne se voilent pas, c’est le tatouage du visage et d’autres parties du corps qui marque cette phase. Comme le voile, qu’une fois pris on n’enlève jamais, le tatouage est une marque inaltérable du changement d’état.

À côté de ces tatouages formés de motifs géométriques qui constituent un élément d’un rite de passage, j’ai pu observer chez des jeunes filles d’autres tatouages, qui ont été réalisés pour des raisons purement profanes et esthétiques, suivant des modèles « occidentaux ». Ils représentent même des êtres humains, en contradiction flagrante avec l’interdiction islamique des images.

ṣabr (une encre noire)

Des feuilles d’aloès sont cuites avec d’autres plantes et des herbes pendant plusieurs jours, jusqu’à ce que le mélange devienne une pâte visqueuse (Schönig, 2002 : 245-249). Ces ingrédients, qui constituent la principale matière première dans cette préparation, sont en fait seuls nécessaires pour obtenir la couleur noire et la bonne odeur souhaitées. On y ajoute néanmoins de très petites quantités d’encens, de la nigelle (ḥabba sawdâ’-sésame noir) (Schönig, 2002 : 229 et suiv.) et d’autres substances secondaires, qui sont sans effet sur la teinte, mais auxquelles on attribue clairement un pouvoir magique. Et c’est bien pour cette raison qu’on les mélange à la préparation, puisque la teinture aura ensuite un pouvoir magique, essentiellement de protection contre le mauvais œil après une naissance. La plus importante parmi ces substances est la nigelle, mentionnée dans les hadiths comme médicament contre toute maladie mais pas contre la mort[12].

Lorsqu’à la fin on retire la pâte du feu, on la met dans un récipient en argile, de forme carrée, comprenant quatre compartiments (miṣbara). Cet ustensile, en usage depuis des générations, est aujourd’hui presque oublié parmi les jeunes femmes, qui le remplacent par de simples boîtes de fer blanc (des boîtes de tomates en conserve, par exemple). Avant l’emploi, cette pâte est mélangée avec de l’eau, ce qui donne une encre noire.

Miṣbara (N. Salameh)
Miṣbara (N. Salameh)

L’accouchement/Le nouveau-né

Tout de suite après l’accouchement, la mère et le bébé sont très faibles et doivent être protégés. Pendant toute la durée des couches, la mère peint son visage et celui du nouveau né avec cette encre noire, qui est réputée aider contre le mauvais œil.

Ces décorations consistent en un point ou une croix au milieu du front, ou en un ou deux points sur le nez, ou en une ligne au-dessus des sourcils qui les fait se rejoindre au milieu, au-dessus du nez. Chez les enfants, on trouve même des mots écrits sur le front, tels que mâ shâ’ Allâh (Serjeant, 1962 : 200) [13] ou simplement Allâh. Ces signes ne sont délibérément pas imposés avec un effort artistique ou une recherche esthétique. On est donc surpris d’entendre les femmes invoquer comme unique raison à ces peintures qu’elles sont normales (‘âdî) et qu’elles servent à embellir (zayna). La protection des nouveaux-nés contre le mauvais œil est en fait une motivation universellement connue, qui se reflète dans l’argument qu’il s’agit d’une pratique « normale ». L’argument cosmétique pourrait n’être qu’un prétexte, puisque la beauté attire l’attention, ce qu’on cherche au contraire à éviter.L’encre se lave le soir et doit être renouvelée chaque matin. Au début des couches, la peinture est pratiquée par les sœurs de la mère, mais celle-ci peut se l’appliquer elle-même, lorsqu’elle se sent assez forte. Cette pratique active s’oppose aux autres cérémonies mentionnées (henné, khiḍâb, tatouage), pendant lesquelles la femme joue un rôle passif et laisse son corps aux autres :

 
« Pendant tout le temps des cérémonies nuptiales, Carima se conduit comme si elle s’était retirée, non seulement derrière le voile qui couvre sa bouche, mais aussi en elle-même, en abandonnant son corps aux autres pour le peindre, le décorer, l’exposer, et en le livrant pour la nuit de noces » (Frese-Weghöft, 1986 : 137) [14].

Arrivée à la maison de son mari, mais avant de rencontrer celui-ci, la fiancée habillée, coiffée, peinte et décorée de bijoux, est exposée aux regards des femmes de la parenté et des invitées (Chelhod, 1985 : 249 : jilwa). J’ai participé à cet événement à Ṣan‘â’‎. Dépourvu de dialogue et d’échange, il exige la passivité absolue de la part de la fiancée.

Les cérémonies pratiquées pendant les rites de passage servent de médiation entre le profane et le sacré. Le médium de cette transition est le corps des personnes en question, qui en subiront une transformation quelconque. Mais quoique le corps joue un rôle principal et actif, sa mise en scène vient de l’extérieur. L’individu lui-même n’agit pas et reçoit passivement les préparations des mains des autres. Les substances choisies sont souvent porteuses d’une connotation magique, preuve de la fonction multiple des cérémonies et de l’omniprésence de la magie dans le champ religieux. On peut cependant constater l’ignorance des personnes concernées à l’égard de ce contexte magique et religieux, ce qui a pu mener à une profanisation des cérémonies décrites, sous deux aspects. D’abord, l’argumentation en réduit le sens à un niveau purement esthétique. Ensuite, cette vision profane et matérialiste favorise la tendance à arracher les pratiques de leur contexte traditionnel pour les implanter dans la vie de tous les jours, en touchant même à la frontière entre le licite et l’illicite.

Hanne Schönig,

Martin Luther Universität, Halle.
« Le corps et les rites de passage chez les femmes du Yémen », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée
[En ligne], 113-114 | novembre 2006, mis en ligne le 10 novembre 2006.
URL : http://journals.openedition.org/remmm/2974


_________________

1 Maḥram, pl. maḥârim : interdit, sacré. Désigne les personnes envers lesquelles on se trouve dans une relation de parenté qui, selon la loi islamique, prohibe l’union matrimoniale avec elles (par exemple, les parents, les frères et sœurs, mais pas les cousins et les cousines).

2 Pour le contexte yéménite voir Dostal, 1985 : 250.

3 Le terme qabḍa désigne la saisie de la fille.

4 Ḥikâ’ désigne le fait d’informer la fille.

5 Cette expression, ainsi que ḥikâ’, est mentionnée dans le document 39 de la collection de décrets et de correspondances, qui est conservée dans le palais des sultans Kathîrî à Say’ûn. Cette documentation, ainsi que d’autres sources provenant du Ḥaḍramawt, sont l’objet d’une recherche en cours au Orientwissenschaftliches Zentrum de l’université de Halle (Allemagne).

6 Le terme signifie « attachement », « liaison », « mariage ». Chelhod (1985 : 253) ne mentionne cependant pas l’isolement de la jeune fille dans une cabane. D’après lui, dans tous les cas qu’il décrit, sa tête est seulement couverte d’une serviette.

7 Voir le spectre de terminologie locale in Schönig, 2002 : 197.

8 Frese-Weghöft (1986 : 149) rapporte un cas semblable dans lequel les visites pendant les 40 jours avaient quand même eu lieu.

9 Dans les documents cités note 5, voir les documents 5 et 37 ; voir aussi Boxberger, 2002 : 140.

10 Lorsqu’on peint les mains et les pieds, on teint en même temps les ongles, sur lesquels la couleur reste plus longtemps que sur la peau. Elle ne se lave pas et ne disparaît qu’avec la croissance et la taille des ongles.

11 Bukhârî (1400 [1979/80]), T. IV, « k. al-libâs » : 81, n° 5948, et beaucoup de vers semblables. Voir les explications de Krawietz, 1991 : 267.

12 Par ex. Muslim (1415/ 1994), T. VIII, « k. al-salâm »: 400-402, n° 88 et suiv. (2215).

13 Il a aussi parfois vu la lettre wâw à l’envers.

14 « Während der ganzen Hochzeitsfeierlichkeiten wirkt Carima, als habe sie sich nicht nur hinter ihren Mundschleier, sondern in sich selbst zurückgezogen und den anderen ihren Körper zum Bemalen, Schmücken, Ausstellen und zur Hochzeitsnacht überlassen ».






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