- Makkī (al-) :
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Abū Ṭālib Muḥammad b. ‘Alī b. ‘Aṭiyyah al-Makkī, figure éminente du soufisme du IVᵉ siècle de l’hégire, est un ascète et maître spirituel dont l’influence s’est étendue bien au-delà de son époque. Né probablement dans la région montagneuse du Jibāl, au cœur de l’Iran occidental, il vécut et enseigna dans plusieurs grands centres religieux : La Mecque, Bassora, et Bagdad, où il s’éteint en 386/996. Sa biographie, longtemps négligée par les auteurs soufis classiques, reste fragmentaire et sujette à caution.
Son œuvre maîtresse, Qūt al-qulūb ("La nourriture des cœurs"), constitue l’un des tout premiers traités systémiques du soufisme. Qūt al-qulūb ne se limite pas à un manuel pratique : il constitue un projet intellectuel ambitieux, un pont entre révélation, raison, et transformation intérieure. Il mérite, aujourd’hui encore, une lecture attentive, loin des réductions doctrinales qui ont pu ternir l’éclat singulier de son apport.Elle vise à articuler les sciences religieuses, les pratiques ascétiques et les fondements spirituels nécessaires au cheminement du murīd vers la réalisation divine. Ce texte a connu une réception particulièrement vaste, inspirant des penseurs tels qu’al-Ġazālī — qui en reprit des passages entiers dans son Iḥyā’ — mais également Rūmī et de nombreux auteurs de l’Inde médiévale.
Bien que certains l’aient rangé trop hâtivement parmi les représentants de l’école sālimiyya, al-Makkī se distingue par une approche originale et intégrative. S’il a été influencé par Aḥmad b. Sālim, il ne revendique en rien sa succession spirituelle. Il évoque la voie de la ḫulla – amour pur et exclusif de Dieu – comme un chemin perdu dont il doute qu’il puisse être ravivé. Cette lucidité souligne sa distance critique et son souci de synthétiser les héritages mystiques avec discernement.
Son œuvre accorde également une place notable à la figure de Rābi‘a al-‘Adawiyya, grande sainte de l’amour divin, dont il commente les vers et la biographie avec respect. Cette attention à l’expérience féminine de la sainteté ajoute une dimension sensible à son discours théologique.
Malgré les critiques – notamment celles d’Ibn al-Ǧawzī – qui le jugeaient parfois excessif dans ses affirmations métaphysiques, al-Makkī apparaît comme un penseur complexe, rigoureux et audacieux. Sa vision globale et universelle de la voie mystique transcende les écoles, mettant en lumière l’importance de l’expérience intérieure, de la discipline spirituelle, et de la connaissance comme clef du salut.
Voir aussi : Ghazali [Ġazzālī] (al)
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