Mardi 8 Septembre 2015

Rencontre avec Nader Vahabi : L'Iran de Mossadegh (m.1967)



Pourquoi le gouvernement de Mossadegh élu démocratiquement, soutenu une semaine avant le coup d'Etat du 19 août 1953 par un référendum, n'a-t-il pas pu résister aux putschistes ? Que s'est-il passé ce jour-là ? Quel a été le corps social actif ? Pourquoi l'armée n'a-t-elle pas résisté ? Quelles erreurs Mossadegh a-t-il commises ? Quelles sont les conséquences de ce coup d'Etat sur la mémoire collective des Iraniens ? Dans le cas où le coup d'Etat aurait éclaté, l'Iran ne disposerait-il pas aujourd'hui d'une démocratie mature?

Telles sont les questions soulevées dans le dernier ouvrage de Nader Vahabi. Dans cette Rencontre, il nous propose quelles que pistes de réponse.

Nader Vahabi

 

Nader Vahabi, diplômé en science politique, Docteur en sociologie politique à l’EHESS de Paris, a consacré sa thèse à la mémoire des exilés iraniens. Il est également titulaire d’un diplôme, HDR, à l’université de Toulouse II Jean Jaurès depuis septembre 2013. Sociologue franco-iranien, au CADIS (Centre d’Analyse et D’Intervention Sociologiques), de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Paris et aux Dynamiques Rurales à l’université de Toulouse, enseignant en Histoire sociale de l’Iran, à l’INALCO (Institut national des langues et civilisations Orientales) à Paris, il est spécialiste de l’immigration iranienne, auteur de plusieurs ouvrages et de nombreux articles en français, anglais et persan, sur les thèmes de la diaspora iranienne, de la mémoire et de la gestion du passé, de la transition démocratique et des crimes d’État.
Ses deux derniers ouvrages sont :
L’Iran de Mossadegh, Un regard conditionnel sur l’Histoire, Paris, L’Harmattan, décembre 2014,234p.
La quatrième socialisation de la diaspora iranienne, Les Iraniens en Belgique, Orizons, mars2013.

Les Cahiers de l’islam : Pouvez-vous nous donner quelques éléments historiques/biographiques sur M. Mossadegh ?

Nader Vahabi : Mohammad Mossadegh est né à Téhéran le 16 juin 1882. Il mourut dans l’hôpital Najmieh de Téhéran le 5 mars 1967. Sa mère, Malek Taj Firuz Najmos-Saltaneha, était une princesse issue d’une famille Qâdjâr et son père, Mirza Hedayat Vazir daftar Ashtiani, occupait un poste de haut-fonctionnaire des finances sous Nasserredin shah. Ces deux origines lui confèrent un capital familial issu d’une riche aristocratie terrienne.  
A 15 ans, en 1897, grâce à son frère aîné, il est nommé inspecteur général des finances de la province de Khorassan (au nord-ouest) prenant le relai des fonctions de son père. Ce métier, loin d’être un emploi formel, lui a non seulement fait faire connaissance avec la corruption qui rongeait la dynastie Qâdjâr mais l’a également familiarisé avec la complexité d’un métier qu’il était dès lors parfaitement capable d’assumer. Cette socialisation dès la jeunesse avec le métier a fait de lui un homme difficile à corrompre. En 1904, il se marie avec Zahra Emami, la fille de Sayyed Zainel Abedin, l’imam de la prière de Téhéran. De ce mariage sont nés deux filles et trois garçons.
Après avoir tenu plusieurs postes au sein de l’Etat, il part en mars 1909 poursuivre ses études en France à l’Ecole libre des sciences politiques, en section finances. Il est alors confronté à plusieurs maladies dont il a souffert toute sa vie et dont personne ne connaissait exactement l’origine. En 1911, il reprend ses études en droit à l’université de Neuchâtel et obtient en 1914 son doctorat sur « Le testament en droit islamique en Iran ». Cette période d’études en Suisse a eu une influence importante dans le processus de démocratisation de sa pensée, de son profond respect pour la liberté de la presse et de sa motivation pour la création d’un Etat de droit en Iran.
 
Les Cahiers de l’islam : Comment sa carrière politique a-t-elle été initiée ?

Nader Vahabi : Sa carrière politique commence plus sérieusement en 1920 lorsqu’il devient gouverneur de la province de Fars, dont Shiraz est la capitale, au sud-ouest de l’Iran. Mais après le coup d’Etat pro-anglais de 1921 et l’arrivée au pouvoir de Reza Shah et de Sayyed Zia, il proteste, abandonne son poste et s’exile au sein de l’ethnie Bakhtiari.   
Il est député de Téhéran aux 5ème et 6ème Majles de 1923 à 1927. Mais il se retire de la vie politique de 1929 à 1941 après la restauration d’une monarchie absolue par Reza chah, pour montrer son opposition à ce pouvoir dictatorial. Interdit d’enseignement, confiné dans l’isolement politique, Mossadegh occupe son temps en faisant de l’agriculture dans son village d’Ahmad Abad. Le 26 juin 1940, il est arrêté sur ordre de Reza Chah, emprisonné pendant onze jours à la prison centrale et ensuite envoyé en exil à Birjand pendant près de cinq mois, jusqu’au 14 décembre 1940. Enfin, il est assigné à résidence dans son village d’Ahmad Abad jusqu’à la chute de Reza Chah, le 12 septembre 1941. Suite à l’exil de ce dernier en Afrique du sud en 1941 et l’arrivée sur le trône de son fil Mohammad Reza Pahlavi, Mossadegh, après treize ans de retrait de la vie politique, quitte Ahmad Abad et reprend ses activités politiques à l’occasion du 14ème Majles, le 5 mars 1944.

Les Cahiers de l’islam Dans quelles circonstances Mossadegh accède-t-il au pouvoir en Iran ?

Nader Vahabi : En août 1949 commence l’élection pour le seizième Parlement. Avec l’ouverture du Sénat, la restitution de ses propriétés foncières et le commandement de l’armée sous sa direction, le nouveau monarque, était en train de stabiliser ses pouvoirs en maîtrisant le nombre de députés en sa faveur au parlement iranien, le Majles, et en reproduisant presque tous les pouvoirs de son père. A Téhéran, la fraude est manifeste, avec la complicité du ministre de l’Intérieur et du ministre de la Cour, Hajir. Ce fait, qui montrait que le roi et le Premier ministre ne voulaient pas que l’opposition entre au Parlement, provoque le bast (lieu d’asile) d’une vingtaine d’acteurs politiques, sociaux et culturels sous la direction de Mossadegh, le vendredi 12 octobre 1949 ; ils s’installent à la cour impériale pendant trois jours afin d’obtenir un entretien avec le chah, mais sans résultat.

Durant ce bast, l’idée d’une alliance entre les différents courants de pensée présents s’est forgée et à la sortie de la cour le 23 octobre 1949, elle prend la forme du Djebh-e Melli (Front national, mais dans le contexte français l’appellation est plus proche de celle de Front populaire). C’est une fédération rassemblant différents partis entrant activement en élection.
La mobilisation des opposants a porté ses fruits car une dizaine des députés du Front-populaire ont pu entrer au 16ème Majles ouvert le 9 février 1950. D’un point de vue sociologique, les forces motrices du Front populaire représentaient deux entités différentes : la classe moyenne traditionnelle (le bazar, les petits commerçants, le clergé, les syndicats de différents métiers…) et la nouvelle classe moyenne (les intellectuels, les fonctionnaires, les spécialistes, les étudiants, les enseignants, les technocrates…).
Composé de ces deux groupes sociaux distincts, voire contradictoires, le Front populaire, a pu se présenter comme une alternative légitime à la Cour et son alliée, la Grande-Bretagne, en élaborant un projet politique autour de la lutte contre la gestion pétrolière que les Anglais mettaient en œuvre au sud de l’Iran, depuis le contrat de 1901.

Avec la minorité que constituait le Front populaire, Mossadegh choisit comme cheval de bataille la nationalisation du pétrole. Le 15 mars 1951, après une importante manifestation à Téhéran, la fraction de la commission de pétrole, sous la direction de Mossadegh, propose l’article suivant :
 « Au nom du bonheur de la nation de l’Iran et dans le but d’aider la garantie de la paix mondiale, nous, soussignés, proposons que l’industrie du pétrole soit nationalisée dans toutes les régions du pays sans exception, à savoir que toutes les actions de découvrir, d’exploiter et de commercialiser soient au pouvoir de l’Etat ».

La commission réussit à faire passer la nationalisation du pétrole au vote du 16ème Majles, à l’unanimité des députés, 95 présents sur 131. Le Sénat, cinq jours plus tard, le 20 mars 1951, approuve également la loi du 20 mars 1951. Un mois plus tard, lors de la séance du 29 avril 1951, suite à une proposition d’un député pour le poste de Premier ministre, Mossadegh accepte la fonction sur le champ, et le chah, sous la pression de la rue, approuve sa nomination.   

Le 2 mai 1951 Mossadegh propose au Majles son programme et la composition de son cabinet. Son programme est simple et se résume en deux articles : appliquer la loi de la nationalisation du pétrole et réformer la loi des élections pour le Majles et la mairie. Bien que la majorité des membres du gouvernement appartînt au Front Populaire tendance laïque, 99 députés sur 102 au Majles et 48 députés sur 51 présents au Sénat votent la confiance à son cabinet et à son programme.   
Mossadegh quitte le Majles et installe son cabinet ministériel dans sa maison, au 109 rue Kakh, ce qui était exceptionnel depuis la révolution constitutionnelle de 1905. De plus, pendant ses 28 mois de gouvernement, il ne touche aucun salaire de l’État. Son arrivée au pouvoir le 2 mai 1951, soulève un espoir de démocratie politique, de justice sociale, de liberté au sein de la société civile. Mais cet espoir a été bref puisque 28 mois plus tard, avec le coup d’Etat de 1953, le peuple iranien revient à la monarchie absolue.

Les Cahiers de l’islam : Le coup d’Etat survenu contre lui était-il commandé par les puissances occidentales ? Si oui, peut-on dire que ces puissances ont freiné le développement d’une démocratie en Iran ? Si non, quels sont ses facteurs endogènes ?

Nader Vahabi : Deux types de réponses peuvent être avancés.



Tout d’abord une explication de type socio-historique relative à des relations internationales qui ont joué contre Mossadegh suite à la nationalisation du pétrole le 20 mars 1951. Lorsque toutes les démarches de l’Empire colonial anglais sur la scène internationale (le Conseil de sécurité le 4 octobre 1951, la Cour internationale de La Haye le 21 juillet 1952) et le soutien de ses lobbies parlementaires en Iran se sont soldés par un échec, le recours à la force a été mis en place à partir de mars 1953. Celui-ci s’est fait grâce à un contexte international favorable : l’arrivée au pouvoir du général David Eisenhower en janvier 1953 aux Etats-Unis, son accord avec le Premier ministre conservateur anglais, Winston Churchill, la mort de Staline en mars 1953 et la guerre de Corée ; tous ces facteurs internationaux ont favorisé le coup d’Etat.
En effet, l’opération intitulée TP et Ajax a été décidée sur proposition du chef de l’opération militaire de la CIA, Kermit Roosevelt (1916-2000), agent senior de la CIA, dans une réunion importante, qui a eu lieu le 25 juin 1953. Au cours de cette rencontre, sous la direction de John Foster Dulles (1888-1959), ministre des Affaires étrangères, on a discuté du déroulement du coup d’Etat. En ce qui concerne TP, l’appellation fait référence au parti communiste iranien Toudeh, montrant ainsi le danger du communisme dans le contexte de maccarthysme des Etats-Unis, mais on ne précise pas les raisons du choix du nom d’Ajax.
Roosevelt arrive en Iran le 19 juillet 1953 par la frontière irakienne. Il se rend directement à la maison de son assistant William Herman, un agent de la CIA déjà installé à Téhéran et il dirige le coup d’Etat jusqu’à la chute de Mossadegh le 19 août 1953.

En ce qui concerne les facteurs endogènes il faut préciser que si le coup d’Etat a réussi le 19 août 1953, c’est qu’il y avait un soutien de certaines couches sociales conservatrices rétrogrades au sein de la société iranienne ; c’est ce que nous avons étudié sous la rubrique du corps répressif et social du coup d’Etat et synthétisé en quatre niveaux dans notre dernier ouvrage, L’Iran de Mossadegh.
Les adjectifs et les substantifs « Lât, lumpen, tchaghoukeshan et Arazel va oubash » (gueux, lumpen, voyous, canailles et bandits) qui ressortent souvent chez la majorité des historiens pour désigner les individus qui ont participé au coup d’Etat de 1953, méritent une explication sociologique. Il s’agit d’individus violents repérés dans sept quartiers pauvres au sud de Téhéran, sans statut social, cherchant à s’insérer dans la vie quotidienne sans projet solide, à la merci d’un meneur. Les bandits de ce profil-type pouvaient facilement être recrutés par des putschistes entre le 16 et 19 août 1953 les utilisant à des fins politiques, d’autant plus que leurs quartiers étaient facilement repérables. Cela constitue le corps social répressif soutenu par le clergé pro-chah : l’ayatollah Behbehani, un clerc de l’establishment et l’ayatollah Kashani, moins impliqué que le premier dans la collaboration avec le général Zahedi. En effet le clergé rétrograde a été paniqué par « les fausses manifestations du parti communiste Toudeh » et le risque de basculement de l’Iran dans le bloc de l’Est, ce qui était activement fomenté par les frères Rachidian qui constituaient l’axe principal de ces réseaux et collaboraient avec les Anglais depuis 1940.
La tendance royaliste en prenant uniquement les facteurs intérieurs estime que la chute de gouvernement Mossadegh était liée à une insurrection populaire tout en écartant l’intervention de la CIA.
Malgré ce déni du fait historique, durant la période présidentielle de Bill Clinton en mars 2000, à l’occasion du nouvel an iranien, pour la première fois, la secrétaire des Affaires étrangères, Madeleine Albright a officiellement reconnu le rôle des États-Unis dans l'organisation et le soutien financier du coup d’Etat de 1953. Barack Obama est le premier président à reconnaître l'implication de son gouvernement et à s'en excuser dans un discours adressé à la communauté musulmane le 4 juin 2009. Hillary Clinton, le 26 octobre 2011, dans une émission à la BBC persane et à la voix de l’Amérique, a confirmé la position de Madeleine Albright et a présenté ses regrets pour le coup d’Etat de 1953. 

Le coup d’Etat de 1953 a mis fin à un processus lent que l’Iran avait initié depuis le début du 20ème siècle, suite à la révolution constitutionnelle de 1906, avec une nouvelle forme de gouvernance plus représentative destinée à se libérer de l’ingérence étrangère. Ces deux aspirations ont été ancrées dans le mouvement de Mossadegh. Rétrospectivement, avec un regard conditionnel sur l’histoire, on peut se demander : « Si le coup d’Etat n’avait pas eu lieu, l’Iran aurait-il aujourd’hui une démocratie mature »? Avec la distance, est- ce qu’on pourrait dire que la révolution islamique de 1979 a été inévitable et qu’elle a été l’une des conséquences du coup d’Etat? Ou bien a-t-elle simplement eu lieu parce que les aspirations du peuple iranien ont été détruites temporairement en 1953 ? Si Mossadegh avait été plus pragmatique, allant vers une realpolitik, la situation se serait-elle débloquée en ce qui concerne la vente du pétrole sur la scène internationale ?

Bien qu’elles soient des pistes intéressantes de recherches pour l’avenir, il est difficile de répondre à ces questions à ce stade de la recherche car on dit souvent que la meilleure définition de l’histoire est «… ce que jamais on ne verra deux fois ». L’individualisation par le temps ou l’espace des faits historiques ou géographiques n’est pas classifiable comme une espèce ou un type d’insectes. L’histoire, en tant que faits, se prête mal à une typologie ou une transposition mécanique et on ne peut pas décrire deux types bien caractérisés de révolutions ou de cultures comme on décrit une variété d’insectes.
Avec la chute de Mossadegh, l’Iran entre à nouveau dans une période de monarchie avec toutes les apparences du respect de la démocratie mais, en réalité, elle n’est qu’un despotisme oriental. Avec la création de la SAVAK en 1957, toute trace d’opposition disparaît. La SAVAK, police politique de protection du chah fondée avec l’aide de la CIA et du Mossad, veille à la sécurité du chah et cherche à éradiquer toute velléité de contestation. Elle marque également la fin de l’influence des Britanniques qui passent le relais, contraints et forcés, aux Américains. Cette soumission aux Américains ainsi que la dureté du régime provoque un divorce entre le chah et sa population, surtout avec le clergé. De plus, l’attitude du chah pendant le coup d’Etat, qui s’était enfui du pays pour revenir lorsque la situation a été stabilisée, envoie un signal des plus négatifs vers le peuple iranien.
La désunion va s’amplifier jusqu’à l’éclatement de la révolution islamique de 1979, point que nous avons étudié dans notre ouvrage précédent.
 
Les Cahiers de l’islam : Est-il pertinent de considérer l’homme politique et charismatique qu’était Mossadegh comme un « nationaliste » (iranien) ?

Nader Vahabi : Partant du mot charismatique à partir de son usage concernant un personnage qui « est considéré comme doué de forces et de qualités surnaturelles ou surhumaines, ou au moins spécifiquement extra-quotidiennes qui ne sont pas accessibles à tous », le charisme de Mossadegh est entièrement construit et nourri de circonstances historiques exceptionnelles de l’après Deuxième Guerre mondiale, avec, notamment la résurgence du nationalisme exacerbé par la présence des Anglais au sud de l’Iran qui profitent de la richesse naturelle du pays. Cela a conduit Mossadegh vers une position radicale remettant en question le pouvoir absolu du roi et réclamant la nationalisation du pétrole, attitude qui a rassemblé la majorité du peuple iranien derrière lui. Cependant, il faudrait préciser que son nationalisme n’était ni xénophobe envers l’Occident ni chauviniste rétrograde tourné vers la Perse antique. Je pense que son charisme, contrairement à une vision traditionnelle, tout en étant personnel certes, résulterait de la rencontre de qualités individuelles et d’attentes collectives, véhiculant ainsi des facteurs psychologiques, sociaux, culturels et historiques.

Son aura et ses talents oratoires avaient toujours rassemblé les gens autour de Mossadegh depuis son élection au 14ème Majles. Cependant, son populisme, dans une société où le politique n’était pas encore institutionnalisé, pouvait tenir un certain temps mais avait des limites ; d’une part, son charisme devait s’associer à une légitimité sociologique distribuant son pouvoir dans différentes institutions et, d’autre part, cette légitimité devait s’exprimer dans des institutions politiques empêchant les éléments rétrogrades d’intervenir. Mais Mossadegh n’a pas réussi à établir cette conjonction au niveau des institutions pendant son gouvernement, si bien que le quartier général de l’armée et son chef se sont résignés devant les putschistes dans les dernières heures de l’après-midi du 19 août.
Le renversement de Mossadegh a fait reculer le mouvement nationaliste démocratique iranien, cependant il n’a pas marqué sa défaite à long terme. En effet, il est devenu le mythe le plus inspirant d’un mouvement représenté par chaque groupe selon ses propres attentes et désirs. En dépit des jugements historiques critiques envers lui et malgré les erreurs qu’il a commises en monopolisant trop de pouvoirs spéciaux dans sa main, il est difficile de considérer que Mossadegh ait échoué en tant que Premier ministre. Ses réformes électorale, sociale et surtout celles de la liberté de presse étaient profondes et ont marqué la société iranienne. Il a mis les Iraniens en route vers ce qui allait être le chemin long et difficile vers la démocratie et l’Etat de droit, risquant d’altérer éternellement non seulement leur histoire mais la manière dont ils se voyaient et dont ils voyaient le monde autour d’eux. Il a dirigé un souffle dévastateur sur système impérial et en a accéléré la chute finale. Il a inspiré dans le monde entier des personnes qui croient que des nations peuvent et doivent lutter pour le droit à se gouverner elles-mêmes, ce qui lui valut d’être l’homme de l’année 1951.



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