Dimanche 21 Janvier 2018

Petits arrangements avec le wahhabisme (Le MONDE diplomatique)


Héritier du trône, le prince Mohammed Ben Salman entend réformer le royaume saoudien de manière profonde et sur tous les plans. Ses promesses de s’attaquer aux causes de l’extrémisme ne sont pas forcément synonymes d’une « déwahhabisation » du pays. Soutien et caution religieuse de la monarchie, les dignitaires wahhabites ont toujours su s’adapter aux précédentes tentatives de contrôle.



Arwa Alneami. – De la série « Never Never Land » (Le Pays imaginaire), 2014


Le MONDE diplomatique
Janvier 2018


Selon toute vraisemblance, la fulgurante ascension du prince Mohammed Ben Salman ouvre une nouvelle page de l’histoire saoudienne. En multipliant les actions et déclarations fracassantes, particulièrement après sa désignation au rang de prince héritier en juin 2017, le nouvel homme fort de Riyad donne à voir son ambition : reconfigurer le champ social saoudien en vue de monopoliser le pouvoir. Cela passe par la volonté de contrôler étroitement les domaines politique, économique et diplomatique. Mais, pour réaliser ses rêves absolutistes, il doit également contrôler la plus importante ressource (symbolique) du royaume : la religion. L’appel en faveur d’un islam modéré, l’autorisation de conduire pour les femmes, l’organisation de concerts et la réouverture prochaine des cinémas ont été largement interprétés comme des signes traduisant un projet inédit, voire révolutionnaire : la « déwahhabisation » de la société et du régime. Au-delà de l’effet d’annonce, il importe de jeter un coup d’œil aux variables historiques et sociologiques qui pourraient hypothéquer la concrétisation du projet prêté au prince héritier.

Les tentatives de banalisation, voire de marginalisation, du wahhabisme plongent leurs racines dans l’histoire politico- religieuse mouvementée de l’entité saoudienne. Née durant la seconde moitié du XVIIIe siècle en Arabie centrale, cette théocratie s’appuie sur une lecture littéraliste du Coran et une doctrine rigoriste et messianique pour légitimer ses prétentions hégémoniques : le wahhabisme, avatar du hanbalisme, école juridique et théologique du sunnisme. Son fondateur, Mohammed Ibn Abd Al-Wahhab (1703- 1792), affirme que la seule manière de réussir ici-bas et dans l’au-delà réside dans l’observation stricte d’une pensée et d’une pratique conformes à la doctrine hanbalite. Tous ceux qui n’adhèrent pas à ce dogme, notamment les mouvements mystiques soufis, sont exclus de la communauté. Pour Ibn Abd Al-Wahhab, le djihad, au sens de guerre pour défendre ou propager l’islam, devient le (...).

Retrouvez cet extrait sur le site du monde diplomatique.



 


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