Mardi 5 Février 2013

Mort du théologien Gamâl al-Banna: rappel de sa position sur le rapport « raison/Révélation »



Gamâl al-Banna, 1920-2013
Gamâl al-Banna (جمال البنا), théologien égyptien, né le 15 décembre 1920 et mort le 30 janvier 2013. Certes beaucoup annoncent sa mort en rappelant qu’il était le « frère de Hassan al-Banna », mais, il faut le rappeler, Gamâl ne cessait d’insister sur son propre cheminement, sa propre voie/voix. C’était là une manière, pour lui, de signaler qu’il n’était pas « que le frère de », il était avant tout un théologien et surtout, comme il aimait y insiter, un « théologien de la liberté ». Lui qui disait, pour justifier sa promotion d’une « théologie de liberté » : “En islam, l’homme compte plus que le texte sacré”. Le texte ne vise qu'à servir la liberté humaine. Ici, il faut entendre la « liberté » comme ‘quête’ -permanente-, comme un processus de libération qui se renouvelle à chaque instant de la vie. Sur ce point précis, il rejoignait M. Iqbal (m.1905) pour qui la « liberté est mouvement » perpétuel vers le Créateur Suprême, La Destination ultime de toute chose. Pour Gamâl al-Banna, la pensée islamique avait finie par trahir cette vision libératrice, qui se trouve au cœur même du message coranique. Dans ce sens, il écrivait ces vers :

traduction revue par Les Cahiers de l'Islam
    Le discours de Gamâl al-Banna, pas seulement sur la question de la liberté mais aussi sur celle du rapport entre « raison et Révélation », sur le patrimoine intellectuel et spirituel de l’islam, sur…etc., est resté un discours minoritaire et isolé en Égypte mais aussi dans le reste du monde islamique. Trop iconoclaste pour son époque ? Ce n’est pas la bonne question. En réalité son discours théologique soulève des questions délicates, débattues jadis dans la pensée théologique musulmane, mais qu’il est difficile de traiter avec légèreté. Sur, par exemple, la question du rapport entre « raison et Révélation », Gamâl al-Banna n’y va pas par quatre chemins, pour lui le dernier mot revient toujours à la raison. Le Texte ne s’impose pas à la raison, au contraire, la Révélation a besoin de l’intelligence des hommes pour être incarnée dans la vie réelle. Et pour justifier son argumentaire, Gamâl al-Banna n’hésitait pas à signaler, comme d’autres théologiens avant lui, que la Révélation ne s’adresse qu’à un « homme doué d’intelligence ».

Et il fallait, pour restituer à la raison sa place primordiale, l’émergence d’une nouvelle jurisprudence musulmane et d’une théologie qui ne déprécient pas la rationalité. Ainsi, on peut lire ses mots de Gamâl al-Banna sur les ambitions d’une nouvelle jurisprudence qui « viserait non seulement à réhabiliter la raison mais aussi à lui ménager un statut égal à celui du texte révélé “ parce que la raison est également un don de Dieu, une forme de révélation ” et qu'à ce titre, il serait absurde de supposer qu'elle puisse entrer en contradiction avec la parole divine » et Mouna A. Akouri, spécialiste de la pensée de Gamâl al-Banna, ajoutait : « Le fiqh nouveau viserait donc à libérer l'esprit de l'hégémonie du “ texte ” saisi dans son sens étroit de moule imposé au vivant, et à lui faire prendre conscience de son autonomie et du capital dont il dispose pour poser les bases de la connaissance. Le texte devient alors fonctionnel dans une démarche cognitive à laquelle participe pleinement la raison ». (cf. le livre L'enseignement de Gamâl al-Banna, par Mouna A. Akouri. Le livre est intégralement disponible sur http://www.islamiccall.org).

   Nous y reviendrons. Mais le plus important ici est de saluer la contribution de Gamâl al-Banna à la pensée islamique contemporaine, et comme il  l’écrivait : « nous avons tracé le chemin … et vous appelons à participer »...

                                                                                                                                                                                                                       « إنّا لله و إنّا إليه راجعون »


 



Dans la même rubrique :