Jeudi 23 Février 2017

Mohamed Bajrafil : « La responsabilisation du croyant est la clé de nos problèmes » 1/2 (MeltingBook)


Exclusivité MeltingBook. Imam à la mosquée d’Ivry-sur-seine, linguiste, écrivain, et spécialiste du droit shafi’ite, Mohamed Bajrafil nous a accordé un long entretien. Nous y avons abordé les questions de l’extrémisme religieux de Daesh, de ses racines et des moyens de le dépasser.




Publié le 22 février 2017
Meltingbook

Propos recueillis par Fouad Bahri

Exclusivité MeltingBook. Imam à la mosquée d’Ivry-sur-seine, linguiste, écrivain, et spécialiste du droit shafi’ite, Mohamed Bajrafil nous a accordé un long entretien.

Nous y avons abordé les questions de l’extrémisme religieux de Daesh, de ses racines et des moyens de le dépasser.

 Nous avons également traité le sujet de la présence musulmane en France, de la notion de oumma, du voile, de la sécularisation et des priorités à accorder dans la pensée musulmane contemporaine.

« La visibilité de l’islam dans l’espace public est une source de tensions plus vives qu’il y a deux ans». L’image de l’homme musulman est source  « d’inquiétude diffuse vis-à-vis de la figure symbolique , comme s’il était porteur d’une menace potentielle plus palpable » selon une enquête Ifop.

Êtes-vous de ceux qui considèrent, à l’instar de Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux, qu’il existe un problème de la visibilité religieuse de l’islam en France, notamment autour du voile ?


Il faut être réaliste. On sait très bien que cela existe. Notamment suite aux attentats, il y a quelque chose d’incompréhensible pour nos concitoyens non musulmans. Il faut que nous, musulmans, nous l’entendions parce que humainement il faut arrêter de se raconter des histoires.

On sait qu’associer barbe, par exemple, et terrorisme est idiot et n’a pas de sens. Mais l’image qu’on en a donné, c’est celle-là. Et si quelqu’un sortait au lendemain des attentats et croisait une personne lui rappelant, par son apparence, le contexte de la violence, il pourrait ressentir une crainte.

La barbe n’est pas une obligation pour l’école shafi’ite et le grand qadi malikite ‘Iyad. L’océan de la religion de Dieu ne peut pas être réduit à des poils. Une étudiante en master 1 m’avait dit un jour : « Un théologien qui n’a pas de barbe, j’ai du mal à l’écouter ».

S’il y a problème de la visibilité religieuse, il est externe aux musulmans car on leur a collé une image, celle de gens qui commettent des attentats, faisant d’ailleurs plus de victimes musulmanes que non musulmanes et même cette réalité là leur est refusée.

S’il y avait un minimum d’honnêteté intellectuelle, on reconnaîtrait que les principales victimes du terrorisme dans le monde sont musulmanes. Qu’est-ce qu’on attend du musulman dans cette histoire ?

Ces terroristes n’en ont que faire de la vie humaine. Pour autant, le musulman doit être conscient de la situation. Cela dit, je m’inscris en faux contre les débats sur la déradicalisation. Des radicaux, il y en a toujours eu.

Les khawarijs étaient des radicaux. Ce mot est un mot valise. Les radicaux depuis toujours n’acceptent pas la différence. S’il y a divergence, ils postulent la liquidation physique. La religion ne sert que de détonateur.

Cela n’excuse pas le fait qu’il y ait dans notre héritage, des passages qui sont d’une violence inouïe dans certaines traditions attribuées au Prophète et surtout dans des livres de fiqh (droit et jurisprudence, ndlr), et même en théologie.

Quand on lit un livre dans lequel l’auteur écrit : ce que dit ce livre est la vérité absolue ! Qu’est-que cela signifie ? Il m’est arrivé d’entendre chez certains de mes coreligionnaires qu’il ne fallait surtout pas avoir de relations intimes avec une Juive car il fallait se laver 40 fois !

Il peut y avoir des prédispositions à ce que cette idéologie mortifère (celle de Daesh, ndlr) vienne se greffer dans la psyché d’un tel ou d’un tel. Nous n’avons pas l’honnêteté de dire les choses clairement.

On se cache tout le temps et on se trouve des excuses. Quand certains disent « Juif hachak» (formule exprimant le mépris, ndlr), c’est un acte de mécréance car Dieu a ennoblit un être en le faisant homme.

On ne peut pas réduire cette problématique de la visibilité religieuse au contexte post-attentat car cette question a été soulevée depuis plus longtemps et remonte d’une certaine manière aux premières affaires de voile…

Certes, mais le terrorisme est un facteur aggravant qui a rendu très grave une situation déjà grave.

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