Samedi 21 Janvier 2017

Les cyber-prédicateurs n’ont pas la cote


Tout juste parue, une étude montre que les jeunes musulmans se tournent peu vers les prédicateurs sur internet pour fonder leur pratique religieuse, qu’ils veulent helvético-compatible.



L’influence des cyber-prédicateurs, à l'image du salafiste Pierre Vogel (ici à gauche) serait limitée. LDD

Le Courrier
20 janvier 2017

Par Dominique Hartmann


Tout juste parue, une étude montre que les jeunes musulmans se tournent peu vers les prédicateurs sur internet pour fonder leur pratique religieuse, qu’ils veulent helvético-compatible.

Les jeunes musulmans suisses se contentent-ils de répliquer les valeurs religieuses transmises par leurs parents? Les cyber-prédicateurs ont-ils une influence importante sur leurs convictions spirituelles? Le modèle de transmission de l’islam est-il plus autoritaire que celui d’autres religions? L’étude réalisée par le Centre de recherche sur les religions de l’université de Lucerne corrige quelques idées reçues.

Dans le cadre du projet de recherche «Imams, rappeurs et cybermuftis»1, une étude se penche sur la question encore peu étudiée – sauf chez les convertis – de la formation de l’opinion religieuse des jeunes musulmans. Plutôt que d’étudier les contenus spécifiques délivrés par tel ou tel figure de référence, l’étude s’est intéressée à la façon –critique, distanciée, sans nuances? – dont les sources d’information sont traitées. Elle a été soutenue financièrement par la fondation Mercator, qui soutient également le Centre islam et société de l’université de Fribourg.

Consulter l'étude ici

Premier constat: les entretiens menés auprès d’un panel de jeunes musulmans âgés entre 15 et 30 ans ne confirment pas la prééminence des cyber-prédicateurs, volontiers considérés dans la sphère publique comme une importante source d’information spirituelle chez les jeunes musulmans. Les personnes interrogées sont essentiellement sunnites, conformément à la réalité suisse, et majoritairement pratiquantes, même si une dizaine de non pratiquants ont aussi été interrogés, eux-mêmes assimilés à leur religion.

Les proches prépondérants

Il apparaît au contraire que les jeunes s’appuient sur un spectre étonnamment large et diversifié de sources, soulignent les chercheurs. «Surtout, l’importance du rôle des proches, du cercle privé, est frappante, explique l’islamologue Andreas Tunger-Zanetti, impliqué dans l’étude. Un ami, l’enseignante en religion de la mosquée, un blogueur, jouent un rôle clairement plus important que les organisations et autorités ‘externes’ – personnalités médiatiques ou imam de la mosquée – qui ne sont citées qu’au second plan.» Les rappeurs par exemple, n’apparaissent pas comme des autorités «théologiques», mais plutôt comme des réconforts ou des «inspirateurs». Dans un entretien accordé à l’agence cath.ch, Hafid Ouardiri s’est réjoui de voir les jeunes musulmans développer leur esprit critique en lien avec leurs croyances: pour le directeur de la Fondation pour l’entre-­connaissance, à Genève, cette diversification des sources d’information correspond à ce qu’il constate lors de démarches de sensibilisation à la citoyenneté, à savoir une volonté d’adopter une compréhension plus individuelle de la religion.

Les cyberstars sont aussi bien moins citées que prévu: le salafiste Pierre Vogel, l’un des prédicateurs les plus connus de l’espace germanophone, n’est nommé que par 15 jeunes sur les 52 germanophones interrogés. Et de façon pas uniquement positive. Tariq Ramadan subit un sort similaire. D’autres figures connues sont citées, tels le salafiste Nicolas Blancho, du Conseil central islamique suisse (CCIS), ou Saïda Keller-Messahli, fondatrice du Forum pour un islam progressiste, mais difficile de conclure à leur influence: «C’est notamment en raison de leur inaccessibilité, estime le chercheur. Cherchant des réponses à des situations liées à un contexte de vie précis, les jeunes trouvent davantage de ressources autour d’eux.» L’exigence de réponses convaincantes, étayées et vérifiables est notable. A noter que la plupart des personnes interrogées fréquentent plusieurs mosquées, au gré de leur proximité avec le lieu de travail ou d’habitation.

Retrouvez la suite de cet article sur le site Le Courrier.



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