Lundi 19 Novembre 2018

Le cinéma de Bahman Ghobadi : une représentation du cinéma kurde

Par Cansu Kandara, Diplômée de sociologie (Université Galatasaray), Master 2 Etudes politiques (EHESS).



1. Comment peut-on définir le cinéma kurde?

Cette question donne naissance à une discussion sur l’existence du cinéma kurde. En fait, nous pouvons dire qu’il n’y a pas d’un consensus sur la définition de ce cinéma. Il existe un débat entre des historiens du cinéma, des cinéastes kurdes, des journalistes et des académiciens qui s’intéressent aux films kurdes. Il existe trois points de vue sur la définition du cinéma kurde [1] :
  Il est nécessaire que le film soit en kurde et que le réalisateur soit kurde. Ce qui est important que le réalisateur soit kurde et l’histoire du film soit sur des kurdes bien que le film ne se passe pas en régions kurdes et la langue du film n’est pas kurde. Pour parler d’un cinéma kurde, il est nécessaire que les films se passent en Kurdistan, soient en kurde qui soient sur des kurdes et soient réalisés par un cinéaste kurde.
Nous voulons continuer la périodisation du cinéma kurde.  On considère que le film de court métrage qui s’appelle Ax (La Terre) de Kazım Öz,  est le premier film qui a été montré kurde avec certains dialogues turcs en Turquie en 1999. Le film a été interdit et le réalisateur a été jugé en raison du contenu et de la langue du film. L’autre coté nous témoignons une augmentation quantitative des films kurdes dans les années 2000. Il existe des productions diasporiques et également des films réalisés en Iran, en Irak et en Turquie. Les années 2000 signifient que la reconnaissance et l’acceptation du cinéma kurde au niveau international. Il s’agit de la visibilité des films kurdes dans les festivals du film international et des cinéastes kurde aux Etats-Unis, en Europe aussi en Turquie, en Iran et en Irak plutôt  la Région autonome du Kurdistan d'Irak [2].
    Nous pensons que l’on peut parler de l’existence d’un cinéma kurde prenant en considération sa reconnaissance internationale à partir des années 2000. Avant des années 2000, il existe également des films kurdes mais nous pensons que des caractéristiques et le propre langage cinématographique du cinéma kurde se formaient avec des films réalisés depuis les années 2000 sous l’influence des différents réalisateurs kurde qui ont des différents styles cinématographiques.

2. Le cinéma de Bahman Ghobadi en tant qu’une représentation du cinéma kurde

     Dans cet essai, nous analyserions les deux films de Bahman Ghobadi (Behmen Qubadî en kurde), Un temps pour l’ivresse des chevaux (Dema Hespên Serxweş) et Demi-lune (Niwemang) que nous pensons qu’ils constituent les deux représentations possibles d’un cinéma kurde existant premier film est très important pour la carrière cinématographique de Ghobadi et aussi pour. Le premier film mets en avant la visibilité du cinéma kurde. On le considère comme l’opus magnum du cinéma kurde. Le deuxième nous présente une richesse visuelle, il commence avec une histoire personnelle mais s’élargit vers un niveau collectif. Nous trouvons que Demi-lune est un exemple intéressant pour le cinéma kurde.
 
     Par ailleurs, nous considérons le cinéma de Ghobadi comme un cinéma mineur. L’art mineur est un concept de Deleuze. Il conceptualise le cinéma mineur à travers des œuvres de Kafka qui sont les exemples de littérature mineure. D’autre part, nous prenons en considération Ghobadi comme un cinéaste déterritorialisé de la conformité à la société iranienne et de l’idéologie officielle du pays où il habite et comme un cinéaste reterritorialisé dans la question kurde, dans ‘‘un peuple qui manque’’ et également contre le régime rigide iranien.  Avant d’analyser ces films, nous voulons expliquer les concepts de déterritorialisation et de cinéma mineur.
   
     Nous utilisons le concept de la déterritorialisation de façon suivante:
‘‘Se déterritorialiser, c’est quitter une habitude, une sédentarité. Plus clairement, c’est échapper à une aliénation, à des processus de subjectivation précis. Ce concept n’est pas envisageable sans son pendant qu’est la reterritorialisation. La conscience retrouve son territoire, mais sous de nouvelles modalités (…) jusqu’à une prochaine déterritorialisation.’’[3]

 A ce sujet, Ghobadi se déterritorialise les valeurs établies d’une société majeure qui parle perse, étant un cinéaste kurde mineur. Deleuze parle d’une impasse pour les cinéastes du tiers
 
monde décrit par Kafka au sujet de la littérature : ‘‘impossibilité de ne pas «écrire», impossibilité d’écrire dans la langue dominante, impossibilité d’écrire autrement. Nous adaptons ce cas aux cinéastes mineurs qui se trouvent dans une impossibilité de ne pas «tourner un film» et impossibilité de tourner un film dans la langue dominante. Selon lui, le cinéma politique du tiers-monde et des minorités ne devrait pas s’adresser à un peuple supposé, déjà là, mais contribuer à invention d’un peuple. (p.283). C’est la première différence entre le cinéma politique classique et le cinéma politique moderne. Dans le cinéma politique classique, le peuple est  là, même opprimé, trompé, assujetti, même aveugle ou inconscient. (Deleuze, 1985, p.281). Il s’agit d’une prise de conscience d’un peuple, au plus bas son malheur comme au plus haut de son espoir. D’autre part le cinéma politique moderne est sur la base : le peuple n’existe plus, le peuple manque. Deleuze écrit comme :
     ‘‘ Si le peuple manque, s’il n’y a plus conscience, évolution, révolution, c’est le schéma du renversement qui devient lui-même impossible. Il n’y aura plus conquête du pouvoir par un prolétariat ou par un peuple uni ou unifié.’’[4].

Dans le tiers-monde où les nations opprimées, exploitées restaient à l’état de perpétuelle minorité, en crise l’identité collective. (Deleuze, 1985, p.282). Nombreux de ces cinéastes du tiers-monde étaient organisés aux partis marxistes- leninistes et ils défendaient la conquête du pouvoir par une révolution prolétarienne, malgré cela Deleuze considère leurs cinémas dans le cinéma politique moderne différemment les cinéastes soviétiques. Chez lui, le cinéma classique moderne consiste une possibilité de  «lignes générales» comme l’évolution de l’Ancien au Nouveau ou de révolution, mais le cinéma politique moderne sur des impossibilités, à la manière de Kafka.

     Nous trouvons que les films de Ghobadi résistent contre la négation d’un ‘‘peuple manque’’ et il s’invente un peuple kurde qui est dénié, ignoré par l'intermédiaire du cinéma. Nous connaissons la vie quotidienne rurale, la musique, les moyens de subsistance, les souffrances des Kurdes dans ces films mais non pas d’une manière ethnographique. C’est plus directe, plus intérieur à la communauté kurde rurale en montrant le rapport interpénétrant politique-privé. Pour Deleuze, la seconde grande différence entre le cinéma politique classique, et le cinéma politique moderne qui concerne le rapport politique-privé. Dans le cinéma politique classique, il s’agit d’une frontière entre la vie individuelle ou familiale et l’espace publique et les issues politiques. La politique consiste seulement en des issues publiques et politiques. Il s’agit d’une transition de l’individuel au collectif, du personnel à la politique. Dans cette relation classique du cinéma et du politique, les frontières entre l’individuel et le politique sont distingués l'un à l'autre. Par ailleurs, dans le cinéma politique moderne, l’affaire privée se confond avec l’immédiat social ou politique. (p.284).  Deleuze donne l’exemple de Yılmaz Güney pour le cinéma politique moderne et il écrit comme :
‘‘Dans Yol de Güney… ,et dans Le troupeau... On dira qu’il s’agit de familles pastorales archaïques. Mais justement, ce qui compte c’est qu’il n y a plus de  «ligne générale», c'est-à-dire d’évolution de l’Ancien au Nouveau, ou de révolution qui fasse un saut de l’un à l’autre. Il y a plutôt … une juxtaposition ou une compénétration de l’ancien et du nouveau qui «compose une absurdité», qui prend «la forme de l’aberration». … c’est la coexistence jusqu’ à l’absurde d’étapes sociales très différentes.[5].

   Deleuze maintient cette absence entre le privé et le politique en même temps comme impossibilité de vivre dans ces conditions. (Deleuze, 1985, p.285). Ainsi, le cinéma politique moderne consiste des impossibilités considérées comme l’intolérable.

 

    Il considère le cinéma du tiers-monde est comme un cinéma des minorités, parce que le peuple n’existe qu’à l’état de minorité, ce pourquoi il manque. (p.286). C’est la troisième différence entre les deux politiques cinémas. Ce peuple n’est pas unifié mais il est fragmenté et éclaté. Il attire l’attention sur la multiplicité, la pluralité de «lignes entremêlées» des cinémas du tiers-monde et de minorités. Ainsi, le cinéma mineur sert à produire des énoncés collectifs qui sont comme les germes du peuple à venir et, dont la portée politique est immédiate et inévitable (p.288). Le cinéma politique moderne contribue à l’invention d’une multitude, de plusieurs peuples. C’est le refus des mythes devenus des entités impersonnelles au service du colonisateur.
 
    Pour Deleuze le cinéma politique devrait éviter la fiction, comme il le souligne:
 ‘’L’auteur ne doit donc pas se faire l’ethnologue de son peuple, pas plus qu’inventer lui-même une fiction qui serait encore une histoire privée : car tout fiction personnelle, comme tout mythe impersonnel, est du coté des maîtres.’’ [6].
De cette perspective, nous trouvons que Demi-lune et  Un temps pour l’ivresse de chevaux sont des exemples remarquables du cinéma mineur.

3. Demi-lune

Demi-lune raconte le voyage d’un musicien kurde octogénaire qui habite en Iran pour donner concert en Kurdistan irakien. D’après cinéaste du film, Demi-lune (Niwemang en kurde) signifie l’histoire du Kurdistan, un territoire mi-visible, mi-caché [7]. Le nom d’un personnage surprise du film qui est une jeune femme qui a une voix céleste est même Niwemang. Le film commence avec un générique perse et une élégie triste. Dans la séquence d’ouverture nous regardons une scène absurde. C’est la scène de combat de coqs et un villageois kurde qui s’appelle Kako fait une citation de Kierkegaard qui fait rappeler la phrase d’Épicure comme :
‘‘Je n'ai pas peur de mort parce que quand je suis ici, il n'est pas, et quand il est là, je ne suis pas. Aucun gain ou perte est plus importante que de mourir ’’
  
   A partir du début du film, nous nous sentons l’étrangeté de la mort. La phrase ci-dessus signifie d’abord  la peur individuelle de la mort de Ghobadi, d’autre part  la peur collective du peuple kurde de la mort. Dans un entretien sur Demi- lune, Ghobadi affirme comme :
  ‘‘Dans ma vie jusqu'à présente, j'ai vécu tellement de sortes différentes de la mort. Mort privée, et la mort à la suite d'événements politiques, de la répression…  Mort dans notre culture à un concept magique… Chaque jour, je suis en attente de la mort et je suis très inquiet’’8].
 
   Ghobadi a tourné ce film en 2006, il existait une tension politique entre aux États-Unis et Iran et aux États-Unis menaçait Iran par la guerre. D’autre part, cette peur de la mort consiste également aux massacres des Kurdes réalisé pendant le régime de Saddam Hussein [9]. Pendant tout le film, nous rappelons que la mort avec des scènes claustrophobiques. Le musicien kurde ainé célèbre qui s’appelle Hamo vu son imaginaire dans un cercueil et dans une tombe dans les scènes répétés. Il vu aussi la jeune femme qui s’appelle Niwemang portant un cercueil. Nous trouvons que la métaphore du cercueil fait rappeler également l’emprisonnement des Kurdes dans les frontières artificielles. Le cercueil comme un espace claustrophobique signifie la vie d’un musicien ‘‘mineur’’ kurde et aussi d’un peuple qui manque. Ainsi, cette peur individuelle de la mort de Hamo faire une référence aux énoncés collectives des Kurdes qui souffrent. D’autre part, nous trouvons que le film critique aussi les enjeux politiques des États sur les Kurdes d’une manière fataliste en disant aucun gagne ou perte est plus importante que de mourir. Par ailleurs, l’atmosphère magique du film est assurée par les espaces religieuses comme les madrasas. L’un de ses dix fils dit à Hamo qu’il ne devrait pas prendre la route parce qu’il rêvait quelque chose de mauvais va se passer le 14ème  nuit du mois lunaire, c'est-à-dire dans le Demi-lune. Pour cela, Hamo visite un homme religieux et nous regardons un milieu magique qui se nourrit de la culture de madrasas.

Hamo voudrait aller au Kurdistan irakien aveC ses dix fils passant le Kurdistan iranien vers le Kurdistan turc pour donner un concert avec son équipe. Sur le chemin, nous regardons les contrôles des soldats iraniens. La plupart du film passe dans le chemin. Nous regardons le panorama de Kurdistan avec les plans généraux.
 
   La neige et la montagne s’identifient avec ce territoire. Les décors, les éclairages, les  tournages naturels avec des plans moyens et généraux et presque tous les acteurs non-professionnels font rappeler le néo-réalisme italien [10]. Cependant, dans un  entretien Ghobadi souligne que ses racines sont dans le cinéma iranien qui est influencé par le néo-réalisme italien et il ajoute qu’il ne s’est pas intéressé effectivement au néo-réalisme italien [11].
 
   Dans le bus, Hamo dit qu’après 37 années plus tard, je serai en mesure de revoir mon pays de mère occupée. Ainsi, nous apprenons que le film passe après la chute du régime de Saddam Hussein. Ça devient un espoir pour un musicien kurde qui habite loin de son pays pendant 37 années. Ils attendent un chemin qui est proche de la frontière Iran-Irak quand ils marchent un ou deux pieds, les soldats se tirent le feu. Ils voient les gens qui courent avec les corps et ces gens disent que ‘‘les Américains tirent sur tout ce qui bouge.’’ Hamo comprend que le Kurdistan n’est pas encore libre comme il suppose. Le film souligne division du Kurdistan par les frontières turc- iranien- irakien. Différemment les scènes claustrophobiques, nous regardons aussi l’absurdité des frontières d’une manière comique. Le grand admirateur de Hamo  qui s’appelle Kako représente la pureté villageoise et un personnage comique par sa nature comme un élément à rire pendant tout le film. Ainsi, l’atmosphère tragique et sombre du film se disperse et il représente les conditions intolérables d’une manière comique et absurde. D’après cinéaste du film, ce mélange du tragique et du comique est l’essence de la vie kurde [12].

     Les personnages du film essayent de passer la frontière turco-iranienne vers la fin du film. Mamo ne peut pas traverser la frontière et il meurt dans les neiges. Bien que Hamo meure à la fin du film, il ne renonce jamais à aller au Kurdistan irakien malgré toutes les malchances. Leurs instruments ont cassé par les soldats iraniens. Les soldats cherchent la chanteuse exilée dans le bus. Hamo prend une femme qui s’appelle Hesho qui a une voix céleste du village où 1334 femmes chanteuses ont été exilées. Elles sont exilées parce qu’elles chantaient.  Ainsi, nous apprenons qu’en Iran, les femmes n’ont pas le droit de chanter en solo, en présence d’hommes. Il n’y a que quelques rares endroits où les femmes ont le droit de chanter, devant un public exclusivement féminin [13]. Ce film a été interdit par le gouvernement iranien en raison de nombreuses accusations. Premièrement, à cause des femmes chantent dans le film. Nous regardons une scène que les femmes exilées qui portent les vêtements ethniques  jouent bendir et chantent ensemble dans le village. Dans ce film, la musique et la voix deviennent les éléments principaux de la culture kurde qui consiste plutôt une culture orale qu’une culture écrite. Ghobadi explique l’importance de la musique pour les Kurdes de façon suivante :
  ‘‘Bien qu’elle varie selon les régions, la musique joue un rôle essentiel dans la solidarité du peuple kurde. Il n’y a pas un Kurde qui ne sache chanter ou jouer d’un instrument de musique. Il n’y a pas non plus un seul Kurde qui n’ait perdu un proche à cause de la guerre ou de la dictature. La musique est un moyen pour eux de transcender ce destin qui est comme une maladie..’’[14].
   Nous pouvons dire que la musique devient un espoir et l’humour accompagne leur vie dans les conditions intolérables. C’est un élément inévitable pour la culture kurde.  Par ailleurs, ce film a été interdit parce qu’il est accusé de faire le séparatisme kurde [15]. Sur le bus, ça écrit  Kurdestan Eagle, l’adresse de mél de Hamo commence par hamokurdistan et ils essayent de trouver la place d’un village kurde d’une carte du Kurdistan. Ils parlent du Kurdistan iranien, irakien et turc au lieu de dire Iran, Irak et Turquie. Ainsi, Ghobadi est considéré en tant qu’une séparatiste kurde par le gouvernement d’Ahmadinejad.
 
   Ce film rappelle les souffrances des Kurdes sous le régime de Saddam Hussein mais aussi les oppressions sur des femmes critiquant le régime iranien. Le territoire de Kurdistan devient un pays de mère qui est divisé par les frontières des trois États. Nous trouvons que le film contribue à la reconnaissance très positive même sympathique des paysans kurdes et de la culture kurde qui n’est pas déjà là, qui manque dans le cinéma. D’après cinéaste, il montre également la partie cachée du Kurdistan. Le film consiste aux impossibilités comme ne pas chanter, ne pas donner un concert. Il pose une question sur des Kurdes iraniens et irakiens  très difficile à résoudre. Nous voyons nettement que l’absence entre la sphère privée et la sphère politique. Dans le film, le désir personnel d’un musicien kurde devient une issue politique qui s’intéresse le peuple kurde qui habite dans cette région. Les conditions que les personnages du film subissent nous rappellent l’impossibilité de vivre dans ces conditions intolérables. Mais Hamo résiste aussi à ces conditions essayant de traverser les frontières artificielles de donner un concert dans le Kurdistan irakien.
  
   Le film a fait partie de la série des films de New Crowned Hope ("Vers un Espoir nouvellement couronné") dans la Viennale, c'est-à-dire dans le festival du film international de Vienne [16].  Finalement, nous pouvons dire quand les films de Ghobadi racontent une vie individuelle ou familiale, ils racontent aussi une issue politique mais non pas d’une manière de transition l’un à l’autre qui soient les sphères distingués. Ce cas est aussi évident dans le film d’Un temps pour l’ivresse des chevaux. 

4. Un temps pour l’ivresse des chevaux

Nous voulons d’ abord parler de l’importance de ce film pour le cinéma kurde. Un temps pour l’ivresse des chevaux (en kurde Dema Hespên Serxweş) est le premier long-métrage de Bahman Ghobadi.  Son film a été sélectionné pour une gamme impressionnante des festivals et des prix internationaux, dont le Prix de la Caméra d'Or au Festival de Cannes en 2000.La mélange unique de la réalité et de la fiction, de la pauvreté et de la poésie, de l'espoir et le désespoir, lui a valu une réputation tranquille mais considérable [17]. Après la reconnaissance d’un film réalisé en kurde dans le Kurdistan par un cinéaste kurde iranien au niveau international, le nombre des films kurdes commence peu à peu à augmenter. Ainsi, ce film a assuré la classification des films réalisés en kurde par un cinéaste kurde dans le cinéma kurde. 
 
    Un temps pour l’ivresse des chevaux raconte l’histoire des enfants pauvres kurdes qui habitent un village kurde iranien qui est proche de la frontière irakienne. Au début du film, sur fond noir générique, nous entendons la voix d’une fille qui s’appelle Amaneh. Elle raconte que leur père est un contrebandier et leur mère est morte en mettant au monde sa petite sœur. Amaneh dit qu’ils sont trois frères et deux sœurs. Elle a un frère qui s’appelle Madi qui a une maladie grave physique et mentale, et bien qu’il soit 15 ans, il est resté à l’âge de 4 ans.
 
   A la suite du film, nous apprenons que leur père a été tué par une miné essayant de passer la frontière Iran- Irak. Le frère ainé Ayoub prend la place de son père et il devient le contrebandier pour gagner l’argent pour le traitement de Madi sinon il sera être condamné à mourir. Malgré qu’il ne possède pas de mulet pour passer la marchandise en Irak. Il parvient à être engagé comme porteur par l’intermédiaire de son oncle. Au bout deux mois bien qu’ayant travaillé dur, Ayoub ne peut pas réunir l’argent pour l’opération de Madi. D’autre part l’oncle d’Ayoub cherche une solution et il accepte de donner Rojine qui est la fille aînée comme mère de la famille à une famille en Irak, sous condition que la famille-belle prenne en charge de Madi et son hospitalisation. Ayoub se révolte contre son oncle mais il ne peut pas l’empêcher et Rojine accepte de marier pour le traitement de Madi. Les familles se réunissent pour la cérémonie de mariage dans un montage enneigé qui est proche de la frontière. La mère du beau-fils rejette Madi, offrant un mulet en dot à la place. Ayoub et son oncle le récupèrent et repartent silencieusement avec lui. Madi devient de plus en plus en mal. Ayoub décide d’aller en Irak à vendre ce mulet et faire opérer son frère. Avant prendre la route, les hommes mélangent alcool à l’eau des mulets afin qu’avancer mieux dans la neige avec leur lourde cargaison.  Il  rejoint une bande de contrebandiers transportant des pneus de tracteur sur les cols de montagne. Le chargement avance lentement lorsque l’annonce d’une embuscade provoque une débandade générale. Ivres de trop d’alcool, les mulets tombent et ne parviennent plus se lever. Après un certain moment, Ayoub marche dans la montagne enneigée avec le mulet et il porte Madi sur son dos. Ils passent des barbelés et dans la scène finale nous regardons les barbelés sur les neiges qui séparent le Kurdistan iranien et irakien entendant en même temps un kilam [18] vivide et rythmique avec les voix d’enfants. Ses paroles de ce kilam la vie me rend plus âgé et me rapprocher de la mort par me prendre autour des montagnes et les vallées rappellent l’importance des montagnes et la géographie kurde pour les Kurdes mais aussi l’emprisonnement aux frontières aux barbelés dans ce territoire.

La scène finale souligne également la géographie kurde divisée, séparée par les frontières artificielles. A partir du début du film,  nous regardons le panorama du Kurdistan, les montagnes enneigés avec les plans généraux. La caméra portée à l’épaule, nombreuses scènes qui sont filmées sur le mode de la description, sans  aucun dialogue constituent une esthétique du documentaire [19]. Les acteurs du film sont les amateurs et les villageois kurdes du village de Sardab où Ghobadi est né. Ce langage documentaire ne raconte pas une histoire impersonnelle ou les mythes collectifs d’une communauté imaginée comme cinéma national. Il ne consiste plus complètement d’une fiction mais il raconte directement la vie quotidienne intolérable des personnages d’un peuple qui manque. Ça met également une distance qui permet au spectateur de ne pas être submergé par la tristesse. Ce n’est pas une identification avec des personnages qui sert à une catharsis  au sens de la décharge en criant par les souffrances et par la tristesse mais plutôt que c’est de réfléchir sur ces conditions. Par ailleurs, les plans généraux assurent la représentation de l’espace comme personnage. La neige et la montagne montrent la partie cachée, inconnue du Kurdistan aux spectateurs. D’autre part il montre l’importance de la neige et de la montagne dans les vies des Kurdes paysans.

Ainsi, nous pouvons dire que Ghobadi attribue même un sens métaphorique à ces images. Dans unentretien, il souligne :
    ‘‘ Je vois de la neige comme un nettoyant. Pour moi, la pureté blanche de la neige symbolise l'innocence des Kurdes qui souffrent.’’[20].

   Dans ce film, chaque personnage devient une représentation du peuple kurde rural qui vit dans les conditions similaires et l’espace c'est-à-dire que la géographie du Kurdistan devient aussi un personnage principal. Nous regardons la neige comme l’un des personnages principaux du film dans la scène qui montre Ayoub, en coupant du bois sur le coté d’une colline. C’est une composition visuelle qui montre la beauté impressionnante de la neige ; avec le son de chaque coup de hache les images dans la scène changent. Ayoup charge le bois coupé sur son dos pour porter à la maison. Son fardeau semble incroyablement lourd, mais encore il parvient à marcher dans la neige profonde. Dans ce point la, nous trouvons que Ghobadi n’invente plus ni une fiction personnelle ni un mythe impersonnel qui est du coté du colonisateur ou bien les États qui dénient l’existence des Kurdes. Nous considérons qu’il rend visible d’un peuple qui manque, dénié, absente. Dans un entretien Ghobadi explique son film de façon suivante :
  ‘‘ Je pense que les images que j'avais dans mon film du peuple kurde sont plus proches de ce qu'ils sont ... Avec le film, je donne une image plus réaliste de la population kurde, par rapport aux images des médias ou même par les autorités du Kurdistan. Les gens dans mon film sont des vraies personnes kurdes, et je dépeintes les vaquant à leurs occupations quotidiennes ".[21]
    
   D’autre part le film représente un fait illégal. Il paraît la contrebande est un mode de vie quotidienne, car  elle est une source financière importante pour les Kurdes dans la région. Les contrebandiers dans le film, à la surface, sont la contrebande de marchandises entre les frontières, mais en vérité, ils transportant les marchandises d'un côté de la région kurde à l'autre côté sous le grand danger de fouler un mine et de se faire tirer dessus. Ainsi, le cinéaste souligne la séparation du territoire kurde [22]. Ils deviennent les contrebandiers dans leur propre région.
    Par ailleurs ce film rappelle que les enfants qui habite dans un village kurde, vivent ou deviennent obligé de vivre comme des adultes. Dans ce film, l’enfance n’est pas une catégorie séparée, distincte de l’âge d’adulte comme on voit dans les familles urbaines, occidentalisées. Ces enfants font tous les travaux que les adultes font. Ils travaillent, prennent soin de leurs frères et leurs sœurs. Mais il ne s’agit pas d’histrionisme (duygu sömürüsü) ? utilisant les images de ‘‘l’innocence des enfants’’. Ghobadi essaye de montrer d’être obligé de la responsabilisation au sens du travail et de la famille des enfants kurdes qui habitent dans ces conditions sans effort de la dramatisation commerciale de leurs vies comme un cinéaste qui a vécu une enfance similaire. Nous voyons que la vie quotidienne des enfants villageois kurdes devient une résistance principale à toutes difficultés comme le dénuement, la maladie, l’autorité traditionnelle et la violence étatique. Les contrôles des soldats deviennent une partie quotidienne de leur travail. D’autre part, les enfants contrebandiers font face tous les jours à la possibilité de se faire tirer dessus. Ainsi, les caractères des films de Ghobadi se trouvent eux-mêmes dans une impasse comme impossibilité de vivre dans ces conditions. Mais d’autre part, leurs vies deviennent une résistance à leurs conditions de vie intolérables.

  La solidarité entre les enfants assure la seule colle de pouvoir résister contre toutes les difficultés. Ayoub n’oublie pas acheter un cahier d’exercice à Amaneh pour qu’elle puisse continuer à l’école Amaneh toujours prend soin de Madi et l’autre petit frère, elle devient la petite mère de la maison après Rojine marié.

  Nous trouvons que ce film produit les énoncés collectifs plutôt que les mémoires historiques et les mythes communs inventés par le cinéma national qui sert à la construction d’une nation. C’est une production les énoncés collectifs qui échappe aux idéologies officielles des Etats où les Kurdes vivent et qui contribue à l’invention d’un peuple qui n’est pas déjà là, n’est pas représenté qui est absent dans le cinéma.   

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[1] YILMAZ TEKİN (2013 ). <<Kürt sineması nedir, ne değildir?>>, http://blog.radikal.com.tr/Sayfa/kurt-sinemasi-nedir-ne-degildir-18369  (29.03.2013).
[2] MEHMET AKTAŞ (2007). ‘‘Kürt Sineması: Artık Bir Gerçek ’’ in Müjde Arslan ( eds. ), Kürt Sineması: Yurtsuzluk, Sınır ve Ölüm, Agora Kitaplığı, İstanbul, p.62.
[3] RAPHAEL BESSIS(2014). <<Déterritorialisation>>, http://www.caute.lautre.net/spip.php?article586   (23.02.2004).
[4] GILLES DELEUZE (1985). CINÉ MA 2- L’IMAGE- TEMPS, Les éditions de minuit, Paris, p.286.
[5] ibid., p.284-285.
[6]  ibid., p.289.
[7] « Bahman Ghobadi : Une demi lune en dix leçons », http://www.universcine.com/articles/bahman-ghobadi-une-demi-lune-en-dix-lecons
[8] DAVID WALSH (2006)  <<An interview with Bahman Ghobadi >>, https://www.wsws.org/en/articles/2006/09/ghob-s26.html  (26.09.2006)
[9] Les trois interventions brutales et sanglantes appelée comme el-Anfal ont commencé en 1988. Pour l’épuration des guérillas kurdes et de la population villageoise civile, environnement 15.000 villages ont été purifié utilisant les armes chimiques. Le massacre de Halabja était l’un des interventions très sévère. Les habitants de Halabja se sont enfuis vers la Turquie et vers l’Iran. (MARTIN VAN BRUINESSEN (2010). Ağa, Şeyh, Devlet, İletişim Yayınları, İstanbul, p.73-74).
[10] ROY ARMES (2011). Sinema ve Gerçekçilik: Tarihsel Bir İnceleme, Doruk Yayımcılık, İstanbul, p.74
[11] RAHUL HAMID (2007). ‘‘Devletsiz Bir Ulusun Sineması: Bahman Ghobadi’yle Söyleşi ’’ in Müjde Arslan ( eds. ), Kürt Sineması: Yurtsuzluk, Sınır ve Ölüm, Agora Kitaplığı, İstanbul, p.184.
[12] « Bahman Ghobadi : Une demi lune en dix leçons », http://www.universcine.com/articles/bahman-ghobadi-une-demi-lune-en-dix-lecons.
[13]  ibid.
[14] ibid.
[15] DAVID WALSH (2006)  <<An interview with Bahman Ghobadi >>, https://www.wsws.org/en/articles/2006/09/ghob-s26.html  (26.09.2006).
[16] Antoine Thirion (2006)  <<Journal. VIENNE : Aux côtés de la Viennale, New Crowned Hope>>, http://www.cahiersducinema.com/Journal-VIENNE-Aux-cotes-de-la.html (Décembre, 2006).
[17] FELIX KOCH (2007) <<Bahman Ghobadi: The Poetics of Politics>>, http://mono-kultur.com/issues/10   (08.03.2007) .
[18] C’est le poème kurde oral qui est chanté par les denbêjs.
[19] CHRISTINE FILLETTE (2004) Bahman Ghobadi: La force dans la fragilité du dénuementCinepage, Marseille, p.3.
 [20] DEVRİM KILIÇ (2007). ‘‘Bahman Ghobadi’nin Filmlerinde Kürt Kimliği ve Kültürünün Temsili ’’ in Müjde Arslan ( eds. ), Kürt Sineması: Yurtsuzluk, Sınır ve Ölüm, Agora Kitaplığı, İstanbul, p.144.
[21] ibid, p. 156.
[22]Ibid, p. 158.



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