Vendredi 16 Janvier 2015

Laissons les idées mourir à la place des hommes

Par Ali BENMAKHLOUF, Professeur des universités, Paris-Est Créteil



Ali BENMAKHLOUF
Je propose dix points pour essayer d’éviter quelques crampes mentales pouvant naître à la suite des événements meurtriers qui se sont produits dans les locaux de Charlie Hebdo, en pleine rue à Montrouge et dans l’épicerie casher de la porte de Vincennes. Avant d’exposer ces points, je tiens à dire mon empathie avec la famille des victimes qui est aussi la famille de tous, «la famille humaine» dont parle le premier considérant de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

1) D’abord, cesser - comme le préconisent les démographes et les politologues Youssef Courbage, Emmanuel Todd et Olivier Roy - de faire de l’islam un critère explicatif des malaises ou des difficultés que rencontre la société française.
2) Rien ne justifie de maudire religieusement quelqu’un : c’est l’avis du théologien et philosophe Al-Ghazali (1058-1111). Maudire ou tuer quelqu’un «au nom de la religion» ne relève pas de la croyance ou de l’incroyance mais de la désobéissance civile, disait-il. C’est à la cité de juger pénalement les responsabilités civiles. Al-Ghazali ajoutait : «Le Prophète de l’islam interdit l’imprécation même à l’égard des animaux.»
3) «Nulle contrainte en religion» : expression coranique reprise en leitmotiv par Ali Abderraziq, théologien égyptien auteur du livre intitulé l’Islam et les fondements du pouvoir paru en 1925. La méthode de ce théologien est déflationniste : elle consiste à dire ce qu’il n’y a pas dans l’islam des textes ; et de préciser que ce sont des politiques toujours contingentes qui, dans l’histoire, ont voulu faire de «la ventriloquie transcendante», selon l’expression du philosophe allemand du XVIIIe siècle Lichtenberg, en attribuant à Dieu ce que les hommes décident sur Terre, comme, par exemple, le califat, qui n’a aucune légitimité religieuse. Les contraintes sont par conséquent de nature civile et non religieuse.
4) A ceux qui se considèrent insultés par des caricatures, il leur suffit de «répondre à une injure par un démenti» (Montaigne) et non de procéder par l’horreur des massacres, à laquelle répond l’enflure de mesures sécuritaires.




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