Vendredi 20 Juin 2025

Antoine Calvet, L’alchimie au Moyen Âge : xiie-xve siècles



A. Calvet a commis ici un bel ouvrage, dont la force réside dans un dialogue fertile entre récits biographiques, filiation des idées et analyse des théories et des pratiques. Écrit dans une langue expressive où le sens de la formule est indéniable, il sera lu avec plaisir par les néophytes éclairés, utilisé et amplement cité par les chercheurs.

Geneviève Dumas
 
Cette recension a déjà fait l'objet d'une publication dans les Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 254 | 2021, mis en ligne le 01 juin 2021, sous licence Creative Commons (CC BY-NC-ND 4.0).
 
 

Broché: 285 pages
Éditeur :
Vrin (27 novembre 2018)
Collection : Studies in Comparative Religion
Langue : Français
ISBN-13:
978-2711628384

Quatrième de couverture

 
    Exposer l'alchimie au Moyen Age, c'est explorer un univers complexe où avoisinent aussi bien de pures spéculations, des disputes universitaires, des contes, des songes éveillés que des expérimentations très concrètes. Elle implique à la fois un savoir pratique et un savoir théorique. C'est un tel ensemble complexe dont cet ouvrage restitue l'histoire. L'alchimie médiévale se présente d'abord comme un art nouveau importé des Arabes au XIIe siècle : les premiers textes d'alchimie sont des traductions de l'arabe en latin. Puis au XIIIe et au XIVe siècle émerge une alchimie latine, qui sera plus médicale que transmutatoire. L'élixir des métaux est aussi élixir du corps humain. Ce mouvement s'accompagne d'une transformation du contenu des textes, de plus en plus marqué par la philosophie, la religion chrétienne, la poésie et la fable antique.

Recension

 
    Depuis quelques décennies seulement, l’alchimie médiévale bénéficie d’un nouveau regard. De multiples entreprises d’édition de textes, des analyses plus fines, des recherches plus concertées ont permis de dresser à nouveau frais la topographie de cette discipline médiévale et moderne qui, jusqu’à très récemment, était traitée comme anecdotique, voire farfelue. Cette nouvelle historiographie révèle que, malgré ses idéaux chimériques, ses discours cryptés, ses horizons initiatiques, l’alchimie n’était pas qu’une quête effrénée et illusoire de l’or. Elle se développe comme une discipline théorique principalement, mais parfois aussi pratique, s’intéressant à la transformation des métaux. Si l’ensemble des travaux d’ecdotique et d’analyse les plus récents avait permis de parler de l’alchimie médiévale en des termes plus nuancés, les acquisitions nouvelles de ce champ de recherche très dynamique restaient l’apanage de spécialistes ou d’amateurs d’érudition. Manquait donc un ouvrage de synthèse qui mettrait à jour les connaissances accumulées depuis les trente dernières années et qui donnerait un portrait général de ce système de pensée ayant imprégné les savants du Moyen Âge et des Temps modernes. Qui de mieux placé pour exécuter cette tâche qu’Antoine Calvet qui a participé activement à ce renouveau historiographique avec des travaux d’édition comme d’analyse, notamment autour du corpus alchimique du pseudo Arnaud de Villeneuve, un des plus célèbres entre tous. Dans ce livre, l’a. nous fait prendre les nombreux chemins que le savoir alchimique a suivis se transmettant par la traduction et l’assimilation à partir de son berceau gréco-romain au monde arabe jusque dans l’univers intellectuel médiéval.

      L’introduction fait déjà la part des choses et pointe justement les limites évidentes de ces textes : des traductions inégales, imparfaites, où « la cohérence des idées n’est pas toujours respectée », des recettes anonymes, des fragments épars. L’a. y explique bien les principes de base de la transmutation alchimique lesquels sont parfois difficiles à saisir. Les théories du mercure-soufre comme celle des quatre éléments posaient que les métaux se raffinaient sous la terre sur de très longues périodes. Les alchimistes estimaient pouvoir accélérer ce processus et changer ainsi des métaux vils en métaux nobles, notamment en modifiant leur couleur. C’est l’histoire de ces alchimistes que l’a. entend retracer dans cet ouvrage.

      Le premier chapitre s’attaque à la difficile question de la réception de l’alchimie arabe dans l’Europe médiévale. Les premiers témoins sont examinés un à un dans un schéma qui allie analyse de l’œuvre et remise en contexte de sa production. L’a. réussit avec brio à nous présenter des auteurs, voire à mettre de la chair sur des personnages dont les noms sont connus mais peu leur histoire.

      Le chapitre suivant introduit les principaux corpus alchimiques arabo-latins. Dans l’Occident latin, principalement trois auteurs arabes sont associés à l’entreprise alchimique : Geber, Rhazès et Avicenne. Sous ces trois noms circulent des traités presqu’entièrement pseudépigraphiques très divers dans leur forme comme dans leur contenu, dont les notions hétéroclites se transposeront tous azimuts dans l’alchimie latine. Parmi les œuvres connues de l’alchimie arabe on trouve aussi des œuvres canoniques, classées par l’a. dans la catégorie des textes mytho-poétiques. C’est que ces textes montrent une autre forme prégnante de l’alchimie reflétant davantage ses racines gréco-égyptiennes présumées, et enrobée dans un discours plus ésotérique et imagé aussi, philosophique et religieux. On y propose une alchimie mystique. Ce sont des spéculations philosophiques sur arrière-fond de cosmologie grecque et fortement teintée de la gnôsis néoplatonicienne. Sans être retenues entièrement par l’alchimie latine fortement aristotélicienne, elles auront proposé « un schéma d’interprétation » (on cite ici Tullio Gregory malheureusement sans citer la référence exacte) ainsi que des termes, des concepts, des légendes, des métaphores pérennes. Ce dernier chapitre montre l’étendue du travail d’A. Calvet sur la tradition manuscrite de ce premier corpus arabo-latin, rectifiant ici, montrant là les conclusions les plus importantes et les plus récentes de l’historiographie.

      Le troisième chapitre traite de l’alchimie latine et il est de loin le plus long (130 p. sur un total de 247 hors index et bibliographie) ce qui montre à la fois l’intérêt et le haut niveau d’expertise de l’a. qui a déjà abondamment publié sur le sujet. Pour autant, les informations précieuses que contient ce chapitre sont, pour beaucoup, tout à fait nouvelles sinon présentées à nouveau frais. Il est vrai que les études sont nombreuses mais elles n’avaient pas, depuis un certain temps, fait l’objet d’une synthèse. On y retrace chronologiquement et, auteur par auteur, les débuts de l’alchimie dans l’Europe occidentale, son appropriation par les clercs au xive s., et la maturité qu’atteint la discipline dans les grands corpus pseudépigraphiques qui en ont donné le plus manifeste de ses legs médiévaux. Ces débuts coulés dans le creuset de l’aristotélisme émergent ont permis des accointances avec les studia generalia comme les studia mendiants. Si les premiers universitaires n’ont pas compté l’alchimie parmi les sciences élevées ou nobles, la quaestio de alchemica a dû être posée et débattue tandis que les ordres mendiants allaient devenir de fervents partisans de l’art (l’a. y reviendra plus loin). On analyse ici de façon exhaustive les premiers témoins : Michel Scot, Albert et le pseudo-Albert le Grand, Thomas d’Aquin (peu étudié pour sa contribution à la question de l’alchimie), Constantin de Pise et Roger Bacon, le docteur Mirabilis ayant laissé une contribution importante. Dans tous les cas, A. Calvet se prête à l’exercice salutaire de bien relier l’homme et son contexte à l’œuvre permettant de comprendre non seulement l’évolution des doctrines mais les réseaux qui les ont portées. On passe ensuite à la pièce de résistance que constitue l’œuvre du pseudo-Geber, identifié par William R. Newman au franciscain Paul de Tarente (The Summa Perfectionis of Pseudo-Geber, Leiden, Brill [Collection de travaux de l’Académie internationale d’histoire des sciences, 35], 1991). A. Calvet rapporte savoureusement les étapes de l’enquête minutieuse menée par celui-ci pour comprendre la valeur, la particularité et l’a. du corpus geberiarum. Un travail monumental d’édition et d’analyse qui a permis de montrer que la Somme du pseudo-Geber, pièce maîtresse de l’œuvre « jetait les bases d’une conception de la matière, dont le résultat le plus évident était d’extraire l’alchimie de la gangue folklorique dans laquelle l’épistémologie officielle avait pris l’habitude de l’enfermer » (p. 112). L’apport de Paul de Tarente à l’alchimie médiévale et moderne est considérable. En effet, on doit au pseudo-Geber une théorie dite « du mercure seul » qui suppose que le mercure peut être régénéré et transformé par son propre soufre, son bon soufre. Cette vision du magistère est rendue possible par une autre théorie pseudo-gébérienne qui se manifeste dans l’emploi du terme « mixtio per minima » pour rendre intelligible le fait que les métaux sont faits d’une substance uniforme composée de « particules » des quatre éléments (W. R. Newman, The Summa perfectionis, p. 322). L’a. montre bien tous les débats qui ont été causés par la publication de cette thèse d’un corpuscularisme médiéval mais qui, finalement, n’ont rien changé au fait que les théories du pseudo-Geber sur la transmutation allaient être reprises à différents degrés par la plupart de ses successeurs. Le pseudo-Geber clôt ce xiiie s., « sans que le Noble Art soit descendu de sa chaire pour être mêlé à la piétaille des arts interdits » (p. 123). Pour A. Calvet, l’alchimie entre au xive s. dans une période d’extension mais aussi de crise. Pour lui, « ces métamorphoses de l’alchimie ont un lien direct ou indirect avec l’école franciscaine » et on arrive ici à un sous-chapitre fondamental qui résume une des grandes réalisations de l’historiographie récente (à laquelle bon nombre de chercheurs auront participé), soit les connivences entre les ordres mendiants, surtout franciscain, et les destinées de l’alchimie. Le paradoxe d’un ordre à la fois voué à la pauvreté et tout aussi fasciné par la production de l’or avait de quoi surprendre et avait déjà fait sourire Lynn Thorndyke dans son œuvre fondatrice (A History of Magic and Experimental Sciences, vol. III et IV, Colombia, Colombia University Press, 1934). L’a. avance un certain nombre d’arguments tirés de la règle qui expliqueraient peut-être pourquoi certains franciscains ont pu penser le faire en toute légitimité ; pourtant, l’on sait que plusieurs seront honnis et même bannis de l’ordre. Peut-on affirmer qu’il y a bien une alchimie franciscaine du seul fait qu’un grand nombre de traités d’alchimie portent le nom ou la marque des frères mineurs ? A. Calvet pense que oui. Chaque œuvre légitimant la prochaine, on aurait fait l’apologie d’une alchimie moralisée, ancrée dans les principes franciscains du travail sans rémunération et dans la nécessité de soigner son prochain, élaborant ainsi une alchimie plus médicale que métallurgique, plus religieuse que profane.

      Ainsi recadrée, l’alchimie entame une période d’expansion florissante exemplifiée d’abord par les deux plus grands corpus d’alchimie médiévale, celui attribué au pseudo-Arnaud de Villeneuve et celui attribué au pseudo-Raymond Lulle, tous deux tributaires de cette nouvelle donne. On doit à l’a. de ce livre le travail le plus poussé, minutieux et exhaustif sur les œuvres alchimiques attribuées à Arnaud de Villeneuve dont l’autorité a fait l’objet de nombreux débats. Cette figure complexe du tournant du xive s., maître-régent de l’Université des médecins de Montpellier, proches des papes et des empereurs, grand réformiste et ayant frayé avec les Spirituels, aura été accusé de son vivant comme après sa mort de toutes les déviances (alchimiste, nécromancien, magicien). Si les traités d’alchimie qui lui sont attribués sont, finalement, apocryphes, ils gardent la marque des milieux intellectuels et spirituels du Midi de la France et de la Catalogne, comme l’a bien montré l’a. dans de nombreux articles. Ce corpus d’une vingtaine d’œuvres ayant bénéficié d’une remarquable postérité au Moyen Âge comme à la période moderne aurait été constitué de façon assez anarchique par des disciples d’Arnaud qui, rebondissant sur des écrits épars sur l’aqua ardens et sur les vins médicinaux, en sont venus à transformer l’image d’un médecin assez strictement galéniste en maître de l’art. Les œuvres peuvent se diviser en trois catégories : des traités médico-alchimiques, des ouvrages d’alchimie métallurgique d’inspiration pseudo-gébérienne (de fait le pseudo-Arnaud a beaucoup servi à la promotion des théories de Paul de Tarente) et des œuvres d’alchimie prophétique, assez en phase avec la vision eschatologique du médecin catalan. Trois sources principales traversent cette œuvre : le pseudo-Geber, le pseudo-Avicenne et Roger Bacon. Le texte ayant eu la plus grande répercussion est sans doute, le Rosarius philosophorum, « copié plus de quarante fois, glosé, pillé, plagié » (p. 140) et traduits dans toutes les langues vernaculaires jusqu’au xixe s.

      Parmi les histoires circulant sur Arnaud aux xiv et xve s. se trouve la légende disant que le philosophe catalan Raymond Lulle aurait été un de ses disciples, converti à la pierre philosophale. L’a. nous entraîne encore ici dans les méandres de la vie du Doctor illuminati et dans les étapes de l’élaboration d’un des plus grands corpus alchimiques du xive s., entièrement apocryphe et dont la structure pyramidale a été bien étudiée par Michela Pereira (The Alchemical Corpus Attributed to Raymond Lulle, Londres, The Warburg Institute [Warburg Institute Surveys and Texts, 18], 1989). Ici, c’est le Testamentum qui apparaît comme le témoin le plus significatif du corpus. Une œuvre qui a refondé l’alchimie dans le moule de la philosophie naturelle et dont l’objectif est de produire une médecine universelle pouvant servir à la perfection du corps, des métaux et des pierres précieuses (ars lapidafica) ; un agent de perfection qui vise la purification de tous les corps. Ceci est conforme à une vision galéniste du corps ce qui fait dire à M. Pereira que son auteur était sans doute un disciple du véritable Arnaud de Villeneuve, thèse à laquelle A. Calvet adhère. Ce survol de l’alchimie latine ne pouvait se conclure sur ces deux exemples, pourtant emblématiques. D’autres témoins sont examinés par l’a. avec la même dialectique entre les évidences historiques, les témoins textuels et les éléments biographiques. De John Dastin, on sait peu de choses mais des personnages comme Jean de Roquetaillade ou Petrus Bonus ont laissé des traces indélébiles sur la doctrine alchimique. Le premier a laissé la notion de « quintessence » qui eut une incroyable popularité. A. Calvet montre comment les accointances désormais plus tangibles avec la médecine savante avaient favorisé son traitement de l’eau-de-vie à partir de la distillation du vin. Il présente aussi l’histoire particulière de ce franciscain, emprisonné en 1344 pour avoir révélé ses visions. C’est en prison qu’il aurait expérimenté l’alchimie dans des conditions difficiles à imaginer. Il reste que deux de ses œuvres ont considérablement circulé : le De quinta essencia et le Liber Lucis. Leur parcours a été mis au jour principalement par Robert Halleux (dans plusieurs ouvrages) et l’influence de la distillation se fait sentir jusqu’au xvie s. chez Ambroise Paré et Paracelse. Petrus Bonus, pour sa part, avoue avoir peu pratiqué l’alchimie, son intérêt pour l’art étant purement philosophique et scientifique. Ce médecin natif de Ferrare et qui a laissé une œuvre intitulée Pretiosa margarita, a été bien étudié par Chiara Crisciani (« The Conception of Alchemy as Expressed in the Pretiosa Margarita Novella of Petrus Bonus of Ferrara », Ambix, 20, 1973, p. 165-181). Le mérite de cette œuvre et la volonté explicite de son auteur ont été d’extraire l’alchimie du moule des arts mécaniques pour l’élever au statut de science par excellence, parce que philosophique mais surtout divine. A. Calvet soulève avec raison la nécessité de produire une édition actuelle de ce texte qui a longtemps eu la réputation de n’être qu’un ramassis de citations « pédantes et ennuyeuses » (p. 178), un jugement sévère de moins en moins porté. L’influence de ce texte fut considérable à partir de la Renaissance dans les cercles savants et était un des plus grands promoteurs des thèmes mytho-poétiques de l’ère arabo-latine. Bien sûr, l’alchimie n’eut pas que des promoteurs ; dès ses débuts, elle faisait l’objet de débats et de controverses mais, au milieu du xive s., ses détracteurs se font entendre de plus en plus fort. De l’intérieur même des ordres mendiants d’abord, une « phobie de l’alchimie et de la magie se réveille » (p. 187). L’enquête de l’a. sur ce rejet de l’alchimie révèle trois constats : la licéité de l’alchimie au Moyen Âge reste acquise, les mises en garde concernent principalement le faux monnayage et les condamnations répétées qui touchent les frères alchimistes surtout chez les franciscains où ils sont nombreux. Le troisième chapitre du livre se conclut sur trois alchimistes qui ont suivi une autre voie que celle de la science spéculative pour faire de l’alchimie une pratique et qui « poursuivent la tradition des moines-orfèvres du xiiie s. » (p. 195). Walter Odington, Philippe Éléphant et Guillaume Sedacer sont effectivement des exemples de l’alchimie pragmatique qui s’exprime au cœur du laboratoire. Les deux premiers ont été peu étudiés alors que le carme Guillaume Sedacer a fait l’objet d’études circonstanciées de Pascale Barthélémy (La Sedacina ou l’œuvre au crible : l’alchimie de Guillaume Sedacer, carme catalan de la fin du xive s., Paris/Milan, S.É.H.A./Archè [Textes et travaux de Chrysopoeia, 8], 2002, 2 vol.). Ces trois protagonistes ont des visions alchimiques différentes mais elles ont toutes voulu s’exprimer dans l’expérience.

      Le dernier chapitre montre comment l’alchimie dans ses reconfigurations vernaculaires a provoqué une remarquable expansion de l’art culminant à la Renaissance dans un intérêt non démenti, tangible dans la popularité du thème chez les premiers imprimeurs. L’iconographie d’abord se développe et, au contraire des images rudimentaires des xiiie et xive s., présente une autre vision de l’alchimie, plus mystique, plus symbolique. L’hypothèse émise par Barbara Obrist qui stipule que cette riche imagerie est un corollaire de l’échec des alchimistes au laboratoire est nuancée un peu par A. Calvet. Il souligne que dans tous les manuscrits qu’il a consultés, l’image est en adéquation avec le texte montrant la volonté des auteurs de faire entendre ce qui doit l’être et de faire admettre la noblesse de l’art (p. 216). Les conversions de l’alchimie vers une littérature romanesque en prose mais surtout en vers, notamment en Angleterre, sont explorées avec les exemples notables de George Ripley et Thomas Norton. L’a. signale l’orientation de plus en plus religieuse de l’alchimie à la fin du xve s. concrétisée par la « Messe alchimique » de Melchior de Sibiu.

      A. Calvet tire une conclusion en demi-teinte de cet ouvrage pourtant exhaustif. L’a. adhère à la sentence de C. Crisciani selon laquelle l’alchimie subit à ce moment une période de normalisation et de diffusion. Le xve s. est témoin d’une grande vulgarisation de l’alchimie qui pénètre dans les véhicules culturels majeurs (poésie, roman, littérature religieuse, théâtre). On aurait pu y porter plus d’attention. Mais comme le déplore l’a., l’alchimie du xve s. s’est aussi diffusée dans des textes de pratique, de recettes et de techniques « dont nous peinons à saisir dans le détail la réalité du phénomène ». Ce vaste corpus de textes d’alchimie pratique, qui propose aussi sa propre iconographie usant du dessin technique, reste encore à explorer.

      A. Calvet a commis ici un bel ouvrage, dont la force réside dans un dialogue fertile entre récits biographiques, filiation des idées et analyse des théories et des pratiques. Écrit dans une langue expressive où le sens de la formule est indéniable, il sera lu avec plaisir par les néophytes éclairés, utilisé et amplement cité par les chercheurs.


Geneviève Dumas
Université de Sherbrooke


 



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