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Lundi 29 Juin 2015

Le juge Trévidic. « La religion n'est pas le moteur du jihad »

Par Hervé Chambonnière,



M. Trévidic
M. Trévidic
Quelle est la situation aujourd'hui, alors que vous quittez le pôle antiterroriste ?

Elle est pire qu'il y a dix ans. Et même pire que lorsque j'ai débuté au parquet en 2000.

Qu'est ce qui a changé ?

 Le nombre de personnes atteintes de délire jihadiste est exponentiel ! La population concernée est plus jeune, plus diverse et aussi plus imprévisible, avec des personnes qui sont à la limite de la psychopathie... mais qui auraient été dangereuses dans tous les cas, avec ou sans djihad (...). Avant, nous avions un groupe puissant en Afghanistan. Aujourd'hui, il est proche de nos frontières. Il y a aussi la facilité avec laquelle reviennent certains combattants. Et on ne savait même pas qu'ils étaient partis ! C'est le cas, à vue de nez, pour un retour sur cinq. Et, depuis un an, on constate de plus en plus de retours.

Vous affirmez que le jihadisme est devenu « un phénomène de mode » ?

Oui. Ceux qui partent faire le jihad agissent ainsi à 90 % pour des motifs personnels : pour en découdre, pour l'aventure, pour se venger, parce qu'ils ne trouvent pas leur place dans la société... Et à 10 % seulement pour des convictions religieuses : l'islam radical. La religion n'est pas le moteur de ce mouvement et c'est ce qui en fait sa force. C'est pour cette même raison que placer la déradicalisation sous ce seul filtre ne pourra pas fonctionner.
 
Faut-il s'inquiéter de ces retours de jihadistes en France ?

Clairement, les services n'ont pas les moyens de faire le tri pour savoir qui est réellement dangereux, ou pas. Les enquêtes ne sont pas assez longues, et il n'y a pas assez d'enquêteurs pour les suivre.
Le gouvernement vient pourtant d'allouer de nouveaux moyens humains aux services du renseignement ! Et une loi leur donne aussi un nouveau cadre, avec un recours simplifié à des méthodes intrusives... Il faut arrêter de croire que c'est le renseignement, acquis grâce à des écoutes/sonorisations/balises administratives, qui permet d'arrêter les terroristes ! Seul, le judiciaire permet d'interpeller. Savoir qu'untel risque de passer à l'acte ou stocke des armes chez lui, grâce à une écoute administrative par exemple, n'a aucune valeur judiciaire. Une information n'est pas une preuve ! On n'envoie pas en prison, on ne débarque pas chez quelqu'un sur un simple renseignement. C'est la base de notre droit. Quand on touche aux libertés individuelles, il y a des règles à respecter. Demain, si un service de renseignement me dit que vous êtes un dangereux terroriste qui projette de poser une bombe, devrais-je croire ce service sur parole, sans aucun élément ? C'est pourtant la tendance qui se dessine. Aujourd'hui, on demande à des procureurs et à des juges des libertés d'accorder leur feu vert à des opérations sur la base d'un procès-verbal de quatre lignes ! C'est ça ou prendre la responsabilité d'un éventuel attentat ! C'est ce chantage qui est de plus en plus souvent exercé.

C'est le passage du renseignement au judiciaire qui pose problème. Trop tôt et il n'y a pas de preuve, le « client » s'en tire et la surveillance est grillée. Trop tard et il passe à l'acte...

 Oui. Mais il suffit de judiciariser plus tôt ! Plus vous retardez le passage au judiciaire, plus vous perdez de preuves. Regardez les derniers attentats : ce ne sont que des dossiers - Merah et les frères Kouachi - qui n'ont pas été judiciarisés à temps. Il faut arrêter de tergiverser ! Elle est là la réalité !

Les effectifs judiciaires de la DGSI vont doubler et passer de 150 à 300 policiers...

 La DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure), c'est 3.500 personnes. On a augmenté un petit peu les moyens judiciaires et massivement les moyens en renseignement. C'est l'inverse qu'il fallait faire. C'est une question d'équilibre. Et d'efficacité ! Le renseignement doit être au service du judiciaire. Pas l'inverse. Lire la suite sur Letelegramme .





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