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Lundi 27 Juillet 2015

[mademoiZelle.com] Nadia, journaliste engagée et fondatrice de MeltingBook, qui promeut la diversité


Léa a rencontré Nadia, journaliste et fondatrice d’un site qui présente des portraits de personnes de talent issues de la diversité (mais pas que). Avec elle, on a parlé féminisme musulman, racisme, représentation dans les médias et confiance en soi.



Publié le 23 juillet 2015


Par Léa Bucci


Léa a rencontré Nadia, journaliste et fondatrice d’un site qui présente des portraits de personnes de talent issues de la diversité (mais pas que). Avec elle, on a parlé féminisme musulman, racisme, représentation dans les médias et confiance en soi.



Nadia m’avait donné rendez-vous à la Défense, dans un café au milieu des gratte-ciels. Aimable, professionnelle, souriante et très, très, discrète. Pourtant, dès qu’on a commencé à discuter, je me suis vite aperçue que Nadia avait des choses à dire, et beaucoup d’idées à transmettre. Nadia est journaliste en free-lance et écrit pour divers médias. Mais pas seulement : c’est aussi la fondatrice de MeltingBook, un annuaire en ligne d’expert•e•s issu•es de la diversité !

« Je me suis auto-censurée »

Être journaliste, c’était le rêve de Nadia, lorsqu’elle était adolescente. Et pourtant, elle a mis longtemps avant d’oser creuser sa place dans la profession :

« J’étais très fofolle, plutôt timide, sensible. J’avais beaucoup d’empathie pour les gens, parfois trop. Je savais que je voulais être journaliste, mais pour moi c’était inaccessible. »

Elle s’est auto-censurée, dit-elle. D’abord parce que le personnel enseignant ne l’a pas encouragée :

« C’est le truc un peu classique, quand tu viens de banlieue, d’une famille immigrée et d’un milieu modeste. On ne t’a pas forcément parlé de faire une école de journalisme. Les conseillères d’orientation te disent que c’est extrêmement dur. Je me souviens d’un rendez-vous avec une CIO… ce n’était clairement pas le discours volontaire où on te dit qu’on croit en toi et que tu devrais essayer. Il y en a des millions comme moi. »

Quand elle était en terminale, Nadia a voulu s’inscrire en hypokâgne, en prépa littéraire :

« Mon lycée avait une prépa. Je suis allée voir la proviseure adjointe et je lui ai expliqué que je voulais l’intégrer. Au final, je n’ai même pas tenté. C’est vraiment des prédispositions d’esprit, et pourtant je suis quelqu’un d’ambitieux et qui y va… »

Les lettres modernes, alternative au journalisme

Après son baccalauréat, Nadia a fait quatre ans d’études littéraires, dont un master de lettres modernes, à la Sorbonne à Paris. Son objectif était de passer les concours des écoles de journalisme ensuite.

« Mais au fur et à mesure du temps, je me disais que je n’avais pas le niveau et que je n’y arriverai jamais. Tu es dans un environnement parisien, il y a des élèves qui ont un niveau de folie. Tu prends conscience qu’avec les gens en face de toi, vous ne venez pas du même cercle et n’avez pas les mêmes formations en terme de qualité. Certes, j’étais une élève très curieuse, je lisais beaucoup et je découvrais pas tout ça. Mais tu te rends compte à quel point tu viens d’un établissement qui n’a pas un niveau terrible, et que tu n’as pas forcément eu vent des filières d’excellence. »

Nadia regrette de n’avoir pas été poussée à dépasser ses limites lorsqu’elle était à la fac. Elle aurait aimé qu’on lui conseille de mettre à profit le temps dont elle disposait pour faire un autre cursus, par exemple une licence d’anglais :

« C’était bien beau, mais on avait 12 ou 13 heures de cours. Une licence de lettres, c’est bien, mais à part si tu veux être prof ou si t’es sûre de tenter les concours de journalisme… »

Une école de journalisme, Nadia n’en a tenté qu’une, lorsqu’elle avait 25 ans. Elle ne l’a pas eue et dit elle-même qu’elle ne l’avait pas vraiment préparée. Finalement, elle a fait un master 2 (un DESS à l’époque) en communication politique :

« Quand je me suis rendue compte que le journalisme m’aiderait pas à payer mes factures, je me suis dit qu’il fallait réfléchir à autre chose. J’avais des contraintes personnelles qui faisaient que j’avais des charges. J’ai regardé un peu la communication politique, et ça m’a intéressée. »

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De la communication politique au journalisme

Après ses études, Nadia a trouvé un boulot dans la communication publique :

« C’était quand même lié à la politique parce que c’était une agence liée au gouvernement. J’ai fait beaucoup d’événementiel politique, du relationnel. J’ai enchaîné les CDD. Pendant ces années, j’en ai profité pour aller faire quelques formations, notamment au Centre de formation et de perfectionnement des journalistes à Paris. »

Elle est revenue au journalisme après avoir eu son premier enfant, et après sa rencontre avec Serge Michel, le fondateur du BondyBlog :

« À l’époque, j’étais à huit mois de grossesse. Il lançait un média autour du BondyBlog, mais dédié à l’économie. Je me suis retrouvée dans l’aventure, et c’est comme ça que j’ai commencé à être publiée. Depuis, j’en ai fait pas mal, des articles… J’ai même fini par avoir ma carte de presse, comme quoi ! Si je ne rentre pas par la porte, je rentre par la fenêtre ! »

Nadia ne voulait pas retourner travailler à temps plein, et cette opportunité d’être en free-lance est arrivée au bon moment :

« C’était compliqué au début, mais les premières années, ça me permettait d’être avec mon fils et de gérer les choses tranquillement. L’année dernière, je me suis dit humblement que je n’avais pas percé dans la presse, et que j’en avais marre des piges, même si j’avais de quoi faire. Je me suis remise en salariée dans la com’. Mais j’ai arrêté, parce que c’était chiant et que ce n’était pas ce que je voulais faire. »

Des médias « trop blancs »

Nadia a travaillé essentiellement pour des médias communautaires ou indépendants, sur la diversité. Après le BondyBlog, elle est passé au Courrier de l’Atlas, qui était un magazine vendu en kiosque, puis pour SalamNews, SaphirNews et un magazine anglo-saxon édité en français autour de l’économie en Afrique. Un choix ? Pas forcément.

« Par rapport à mes réseaux, on ne m’a donné ma chance que dans ces médias-là. »

Percer dans les médias mainstream, c’est compliqué, constate Nadia. Aujourd’hui, ça ne l’intéresse plus. Elle a fait un constat important :

« J’étais agacée de voir que dans les grands médias, on voyait toujours les mêmes personnes, qui n’étaient pas toujours des gens crédibles ni compétents. Alors que dans mon réseau, je rencontrais des gens qui avaient vraiment un super discours, des éclairages et une plus-value à apporter ! Je pense pas que les gens de la diversité s’autocensurent, même si certains n’en ont rien à faire d’être interviewés par France TV. »

En France, la profession de journaliste est majoritairement blanche, m’explique Nadia :

« Globalement, les tenants de l’information aujourd’hui sont des Blancs, avec tout ce qui ça sous-entend. Ils viennent souvent de milieux aisés, même si une minorité sociale commence à se lancer dans les médias. Du coup, ils vont dans leurs réseaux, ce qui est naturel, je fais pareil. Ils n’ont pas les contacts. »

Selon elle, ce n’est pas un manque d’objectivité :

« Ça n’existe pas, l’objectivité, c’est pas possible. Mais dans la méthode de travail, la déontologie, est-ce que quand tu fais un papier, tu fais parler toutes les voix ? On est loin de ça… »

Dans ses sujets, Nadia met un point d’honneur à ne jamais donner la parole aux mêmes personnes, me dit-elle, sauf si elles ont réellement une double compétence :

« Je n’ai jamais eu cette fainéantise, parce que je considère que ça ne fait pas forcément avancer les choses. Ce n’est pas valorisant pour mon travail, qui, en tant que journaliste, consiste à trouver l’information, à dégoter des personnes, et à soulever des  problématiques qu’on ne verra pas ailleurs. Ça me prend plus de temps, mais j’ai un réseau assez large. »

MeltingBook, un annuaire inclusif

C’est cette réflexion qui l’a amenée à imaginer le concept de MeltingBook :

« Je me suis dit ce serait bien de mettre en avant ces gens des diversités, et d’apporter une vision, une espèce d’outil. J’essaye de faire des portraits agréables à lire, où les gens apprennent des choses, et de dénicher des personnes. C’est pas la quatrième de Libé, on est d’accord, c’est le Web. Très vite, l’idée d’une base de données est apparue, comme le font Les Expertes, pour la presse. Mais je ne l’ai pas mise en oeuvre avant septembre dernier. »

Retrouvez la suite de cet article sur le site mademoiZelle.com




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