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KHATIR Foad, est docteur en histoire, il s’intéresse aux confréries soufies en Algérie et plus... En savoir plus sur cet auteur
Samedi 29 Juillet 2017

La confrérie soufie ‘Alawiyya à travers l’épreuve de la lutte de libération algérienne.


Cet article fait suite à une soutenance de thèse doctorale soutenue à l'université de Toulouse Jean Jaurès. La plupart des photographies qui accompagnent le présent article sont des photographies privées fournies par l'auteur. La Rédaction



Introduction

La confrérie soufie ‘Alawiyya à travers l’épreuve de la lutte de libération algérienne.

Les confréries religieuses musulmanes ayant longtemps été marginalisées dans l’histoire de l’Algérie contemporaine, il fallut attendre le contexte de la guerre civile (1991-2002) pour qu’elles se voient progressivement réhabilitées dans leurs fonctions éducatives, religieuses et sociales afin de disposer d’alternatives face au radicalisme religieux. Le premier signe manifeste de réhabilitation générale en faveur des confréries religieuses fut l’organisation d’un colloque sur les zaouïas en 1991, pendant lequel la question de la participation des zaouïas à la guerre d’Algérie, y fut centrale. Le second signe est plus officiel puisqu’il s’agit de la nomination en 1997 du cheikh Bouabdallah Ghlamallah de la zaouïa de Sidi Adda à Tiaret au Ministère des affaires religieuses, jusque là ce furent les leaders appartenant à la mouvance des ‘oulémas qui avaient occupé les fonctions ministérielles liées aux affaires religieuses. Pour ce qui concerne la confrérie ‘Alawiyya, elle réussit à obtenir la participation du diplomate algérien Abdelatif Rahal, à l’UNESCO en janvier 2000 lors du Congrès « Islam de Paix », qui est le premier signe de réhabilitation officielle pour la confrérie.

Il faut dire que l’élément religieux faisait partie intégrante de l’Etat Algérien et la Constitution de 1963 avait déclaré l’Islam comme religion d’Etat, la situation était devenue défavorable pour les confréries soufies du pays, accusées de pratiquer un islam de dévotion populaire et d’avoir coopérer avec l’administration coloniale.

Dans ce contexte, le cheikh de la voie soufie ‘Alawiyya, Mehdi Bentounes (1928-1975) connut une campagne de presse (1) polémique à son sujet l’accusant de complot à l’égard des forces étrangères. Une enquête fut mise en place qui finit par son arrestation du 18 février 1970 au 10 novembre 1970, suite à quoi il fut surveillé de près pendant plusieurs années. En cela, l’attitude du gouvernement algérien présentait des similitudes et un prolongement de l’attitude des autorités coloniales en ce qui concerne la surveillance des confréries.

Nous savons que les gouvernements post-indépendants, notamment sous la période du président Boumediene Houari de 1965 à 1978 ont accusé et marginalisé les confréries pour avoir coopéré avec l’administration coloniale (2). Pour le régime algérien du parti unique, elles représentaient des formes d’Associations potentiellement capables de mener une résistance au régime en place.

Parmi les sources, nous nous référons principalement à un rapport inédit de la délégation générale en Algérie de 1961 (3) « La confrérie des alaouias » qui ne mentionne pas ses destinataires mais déplore de manière générale l’évolution politique de la confrérie depuis la mort de son fondateur en 1934.

Il nous permet, entre autres, d’avoir des éléments nouveaux quant à l’attitude de la confrérie pendant l’épreuve de la guerre d’Algérie en même temps qu’il fournit des éléments quantitatifs sur elle.
La reconstitution historique du rôle de la confrérie ‘Alawiyya pendant la guerre reste un exercice difficile. D’abord parce qu’il s’agit de situer une étude qui relève du champ religieux pour la situer dans le champ politique, puisque l’engagement d’une confrérie dans la lutte de libération reste un acte politique. Ensuite, parce que le chef de confrérie restait un homme discret et que la nature de la guerre consistait à laisser le moins de traces possibles. Pour pallier à cela nous situons une partie du sujet dans le domaine de l’histoire immédiate en recourant parfois à la mémoire vivante à travers certains témoignages afin d’avoir une lecture la plus exhaustive possible. Enfin, les correspondances privées avec le FLN nous permettent de mettre lumière quelques événements relatifs au rôle du cheikh Mehdi Bentounes pendant l’épreuve de la lutte de libération.

La participation d’une confrérie religieuse à la lutte de libération est un sujet polémique mais d’autant plus important qu’il nous permettrait de mieux comprendre la place des zaouïas dans l’Algérie contemporaine. Passant de la marginalisation à la réhabilitation, les confréries ont toujours été l’objet d’instrumentalisation des pouvoirs en place. Pour tenter de répondre à cette problématique, il est suggéré de prendre l’exemple de la confrérie ‘Alawiyya à travers la période de la lutte de libération (1954-1962): pour en analyser la nature des relations avec les membres rebelles du FLN en même temps que celles entretenues avec l’administration coloniale.
Portrait du Cheikh al 'Alawi en 1928 à Fès (Maroc, photographie privée).
Portrait du Cheikh al 'Alawi en 1928 à Fès (Maroc, photographie privée).

1) Le rapport du cheikh Mehdi Bentounes et des disciples avec le FLN.

La confrérie ‘Alawiyya fondée en 1914 par le cheikh Abu Abbas Ahmed Ibn Mustafa al 'Alawi (1869-1934) à Mostaganem, connaît un rayonnement important en Europe autant que dans les Pays arabes. En 1923, le cheikh Ahmad ‘Alawi avança lui même le chiffre de 100 000 adeptes (4). Depuis la fondation de la zaouïa mère en 1920 à Mostaganem, l’administration coloniale procédait par décompte en recensant les disciples qui participaient aux congrès, rencontres et fêtes religieuses. Pour ce qui nous concerne notre période (1954-1962) les indications (5) de la police des Renseignements Généraux donne le chiffre de 5000 participants lors de la commémoration par le nouveau cheikh Mehdi Bentounes en la mémoire de son prédécesseur cheikh ‘Adda Bentounes le 11 aout 1952. Ce sont les événements liés à l’engagement du cheikh en faveur de la lutte de libération qui poussa les autorités à procéder à une enquête plus exhaustive en 1961.

Les tableaux qu’ils fournissent sont incomplets malgré la signalisation de l’existence du nombre de zaouïas en Algérie. En 30 ans, la dissidence menée par les grands muqaddim de la confrérie en 1934 ayant laissé des traces, la confrérie connut une diminution accrue de ses effectifs en Algérie, l’enquête qui comporte selon les auteurs des « renseignements impartiaux »annonce l’existence de 70 zaouïas et 4500 adhérents en Algérie. Même si nous pourrions dire que les avances de la confrérie en la matière soient fantaisistes, il semblerait qu’ils soient ici sous estimés. Toutefois l’enquête de 1961, montre l’éclectisme de la confrérie prés de trente ans après la mort du fondateur de la confrérie cheikh al ‘Alawi, avec la présence de nombreuses zaouïas dans le monde : Afrique, Asie, Europe et Amérique, preuve que son attrait subsiste.

La zaouïa mère de la confrérie ‘Alawiyya se trouve à Mostaganem dans l’Ouest algérien, elle est implantée dans le quartier populaire de Tijdit et comme souvent les quartiers populaires étaient propices au développement du sentiment nationaliste. Le cheikh Mehdi Bentounes fut investi la soirée du 5 juillet 1952 comme nouveau maître de la confrérie, il n’avait alors que 24 ans. Deux après sa nomination le cheikh entreprit un voyage en Europe Cardiff –Angleterre et Suisse afin de consolider ses relations avec les disciples sachant que le mouvement de dissidence avait laissé de sérieuses traces notamment à Cardiff ou la communauté des ‘Alawiyyas était nombreuse. Le rapport fait mention de relations tendues entre le cheikh Mehdi Bentounes et les autorités françaises, lors de son passage en Angleterre les autorités françaises reprochaient au cheikh de ne pas s’être rendu à leur ambassade.
Cheikh Hadj Bentounès en Suisse, juillet 1954, photographie privée.
Cheikh Hadj Bentounès en Suisse, juillet 1954, photographie privée.

Le rapport de 1961 va plus loin quand il évoque le congrès de septembre 1954, pendant lequel plus de 6000 adeptes étaient présents lorsque le cheikh Mehdi Bentounes aurait fustigé contre les divisions au sein des nationalistes algériens, entre les partisans de l’Union Démocratique du Manifeste Algérien (UDMA) de Ferhat Abbas d’une part, et du Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (MTLD) de Messali Hadj d’autre part, selon le rapport des heurts auraient éclatés dans un cimetière entre les oulémas qui avaient le soutien de l’UDMA et les disciples de la confrérie qui aveint le soutien du MTLD. Mais cette attitude ne peut pas être obligatoirement interprété comme étant partisane envers l’un ou l’autre parti, il semblait plutôt inquiet des luttes entre les nationalistes qui divisaient le pays et qui une fois l’indépendance acquise ne pouvait qu’accentuer les conflits internes et règlements de comptes entre les algériens eux-mêmes.

L’ensemble des disciples de la tarîqa ayant agi pendant la période concernée sont reconnus comme « acteurs civils volontaires » moussebel et non comme des combattants moudjahidin. Les disciples soutenaient les maquisards en médicaments, nourritures, transport....ce qui n’en comportaient pas moins des risques, ils ont pour la plupart été arrêtés et torturés pendant leur emprisonnement et possèdent donc des attestions de moussebel délivrés par les autorités algériennes d’après-guerre.

La wilaya 5 ayant à sa tête le leader nationaliste Larbi Ben M’Hidi (1923-1957), cherchait à activer la région et ce serait à partir de 1956 qu’elle aurait été pleinement impliquée. C’est durant cette période que le cheikh Mehdi Bentounes fut contactée par un de ses principaux adjoints Hajj Benalla (1923-2009), ancien Président de l’Assemblée nationale constituante (1963-1965). Après la rencontre qui avait lieu dans un refuge à Maraval (6), ce dernier lui aurait confié la mission d’assurer la liaison et la communication dans l’Est Oranais, il s’agissait en fait de réactiver les réseaux entre Mostaganem et Relizane, région qui avait été mise en veilleuse par les coups de boutoirs des services de sécurité de la ville. Il jouait principalement un rôle d’intermédiaire (7), mais la confrérie n’ayant pas de frontière, d’autres cellules de soutien étaient activées, entre autres, à Alger, le cheikh laissant le champ libre à toutes celles et ceux qui souhaitaient ou non s’impliquer dans les événements que traversaient le Pays.
Exemple de zaouïa en Algérie. Ci dessus celle de la ville El Hamel.
Exemple de zaouïa en Algérie. Ci dessus celle de la ville El Hamel.

Le Directeur des affaires musulmanes Jacques Carret dans son rapport de 1959 (8), confirme « qu’il serait entré en contact avec les membres du FLN de la wilaya V en 1956 », mais que depuis le cheikh se serait uniquement consacré à son rôle de chef religieux.
En qualité de Maître il était attaché aux droits humains et dans ce cadre, durant la guerre, il transforma la zaouïa en un centre du Croissant rouge (9), où il officia avec la contribution du médecin Saïdane Mohamed (10) à donner des soins pour des civils aussi bien Européens qu’Algériens. Il apportait également assistance aux familles des prisonniers et maquisards et procédait à la distribution de repas dans les camps de prisonniers de Memech et Sidi Ali (ex Cassaigne) près de Mostaganem. Il intervenait également en faveur des condamnés en jouant un rôle d’intermédiaire comme ce fut le cas pour un certain Mahmoud Bensmaïn, menacée pour attitude indisciplinée et qui venait de faire l’objet d’un attentat manqué. A des fins d’anonymat, il utilisa plusieurs noms de guerre : Rédouan, Okba et Karim. Il joua un rôle de Merkez (centre d’accueil et de rencontre); il transportait des fidayns (soldats de la guerre de libération). Le cheikh accueillait les moudjahidin qui venaient passer la nuit à la zaouïa. Il recevait aussi bien des civils que des maquisards, cela finit par attirer l’attention de l’armée qui intervint pour fouiller de façon musclée la zaouïa à deux reprises en 1957 et en 1958 (11).Après le démantèlement de la cellule de Relizane en 1956, il fut convoqué, comme de nombreux autres disciples à deux reprises au Tribunal militaire d’Oran le 1er août et 15 novembre 1958 pour s’être affilié, au courant 1956 et dans la région de Mostaganem, « à une association dans le but de préparer ou de commettre des crimes (12) ».

Malgré les inculpations et la liberté surveillée dont il faisait l’objet, il continua à jouer un rôle et rendre visite à ceux qui étaient engagés dans cette lutte pour la libération, il agissait comme un « révolutionnaire éclairé » dans cette guerre qui déchirait deux entités qui avaient cohabité ensemble depuis plus d’un siècle. Bien qu’il puisse paraître paradoxal et contradictoire, il agissait également en maintenant de bonnes relations avec l’administration coloniale et les différentes populations civiles.

2) Les rapports du cheikh Mehdi Bentounes avec les autorités coloniales :

Bien que les autorités coloniales soupçonnaient l’attitude politique du cheikh Mehdi Bentounes à l’égard de la révolution algérienne, ils étaient incapables de mettre en évidence ses activités politiques. Autant le rapport (1959) du Directeur des Affaires musulmanes Jacques Carret, autant que celui de la Délégation générale en Algérie (1961) ne mentionne les relations du cheikh Mehdi Bentounes avec le leader nationaliste Hajj Benalla.

Le rapport de Jacques Carret va jusqu’à dire que suite à ses contacts avec les membres du FLN en 1956, le cheikh semblait se consacrer depuis uniquement à son rôle de chef religieux, ce qui n’est pas tout à fait exact. Entre 1956 jusqu’en 1959, la confrérie est considérée comme non-impliquée dans la lutte, mais à partir de 1961 la Délégation générale en Algérie mentionne le contraire, elle affirme que le cheikh Mehdi et certains disciples étaient impliqués dans la lutte, inquiète elle va jusqu’à dire
comment le cheikh Mehdi Bentounes procédait : « recourir à l’aide de l’administration coloniale afin de mieux camoufler son attitude politique ».

Parmi les éléments dans le rapport qui confortent cette idée de recours, figure la demande (refusée) concernant un prêt agricole important en 1956-1957, par contre il réussit à obtenir l’accord d’un soutien financier pour réaliser des travaux qu’il effectua à la zaouïa d’Alger en 1959-1960 afin d’installer un dortoir pouvant accueillir jusque 200 personnes. Nous retrouvons d’autres indications de recours à travers le parcours engagé du cheikh à travers quelques exemples :

- D’abord il possédait une arme pour lequel il avait un permis (13) qu’il avait obtenu auprès de la préfecture d’Oran. Rappelons que les chefs de confrérie étaient menacés par les membres du FLN qui accusaient les confréries d’agir pour la France; de nombreux chefs de zaouïas furent assassinés par les membres du FLN(14), par conséquent ils pouvaient posséder une arme dans le but de se protéger. Cet arme lui servit non pas à se protéger des membres du FLN mais à faire diversion, entre autres, lors d’une interpellation au cours d’un contrôle militaire, alors qu’il transportait des tracts de propagande de l’ALN en 1956.

- Un autre exemple de recours important concerne le colonel Schoen, fondateur du Service de Liaison Nord Africain en 1947, connu pour son libéralisme, il plaida souvent en faveur des musulmans d’Algérie car il déplora la dégradation de la situation des musulmans algériens et se montra critique envers les réformes de l’administration. Le témoin Dr Mohamed Saïdane qui avait été convoqué au procès de 1958 au même titre que le cheikh Mehdi Bentounes rapporte que l’officier militaire intervint en faveur du maître de la confrérie, en interpellant sur la nécessité de préserver de bonnes relations avec les personnalités algériennes, comme le cheikh Mehdi Bentounes. Pour l’officier, le cheikh Mehdi Bentounes n’était pas intéressé par les intérêts politiques de la lutte à l’instar des nationalistes engagés politiquement. Dans un de ses rapports de 1956(15) le colonel précise que la confrérie n’a jamais participé à des rassemblements à caractère politique et religieux, justement pour rappeler aux autorités que la position de la confrérie ne contient pas une connotation politique et il va jusqu’à préciser, que la confrérie n’est nullement rétrograde, contrairement au rapport de 1961 qui déplore une régression due à l’engagement de la confrérie dans des questions politiques depuis la mort du cheikh al ‘Alawi. Il existait donc des divergences au sein de la même administration.

- Le dernier exemple de recours est encore conforté par la volonté de maintenir les fonctionnaires de la confrérie à leur poste comme celui de policier, alors que ces derniers étaient menacés de mort par les membres du FLN s’ils ne démissionnaient pas. L’argument du cheikh Mehdi Bentounes consistait à dire que ces derniers pouvaient justement relayer des informations pertinentes auprès des membres du membres du FLN, ce qui permit à des membres du PPA/MTLD comme celui du capitaine Mostaganemois Benkedadra d’échapper à une arrestation. Cette idée « d’infiltration » des services servit également à l’instituteur Houari Mouffok, (mort en 2013, il fut le premier président du premier syndicat étudiant de l’Algérie indépendante : l’Union Nationale des Etudiants Algériens
fondé en 1963) qui décida de déserter suite à une convocation militaire en 1956. Il quitta le territoire pour se rendre en Suisse où il fut accueilli par les disciples de la confrérie ‘Alawiyya (16), où il en profita pour rencontrer les cadres du FLN. L’implantation de zaouïas en Europe servait donc également de tremplin quand cela s’avérait nécessaire.

Le jeune Khaled Bentounes en bas à gauche portant le drapeau algérien pendant le cessez le feu au printemps 1962, guide spirituel actuel depuis 1975 (photographie privée).
Le jeune Khaled Bentounes en bas à gauche portant le drapeau algérien pendant le cessez le feu au printemps 1962, guide spirituel actuel depuis 1975 (photographie privée).
Nous avons donc l’administration qui à cette période relevait les agissements politiques de la confrérie et d’un autre côté les membres du FLN qui voyaient d’un œil suspect les activités sociales, politiques et spirituelles de la confrérie. Des zaouïas étaient implantées un peu partout en Europe, ce qui renforçait le sentiment de relations potentiellement suspectes pour les Services secrets algériens de l’Algérie postcolonial mais selon le rapport de 1961, il serait exagéré de dire que le cheikh Mehdi Bentounes était en relation avec un « Intelligence service » de quelconque pays.

Il n’en empêche pas moins que l’attitude du chef de confrérie n’ait été comprise ni par les autorités coloniales, ni par les autorités algériennes, le rapport va jusqu’à mentionner de nombreuses collusions entre la confrérie et les rebelles du FLN entre 1956 et 1958. Pour les autorités coloniales, l’orientation politique de la confrérie n’avait pour but que de conserver l’audience de la jeunesse qui était attirée par l’idéologie nationaliste. Rappelons que le cheikh Mehdi Bentounes lui-même avait fait partie de l’association des Scouts Musulmans Algériens qui était largement acquis à l’idéologie nationaliste.

Conclusion :

Est ce que le rôle de « moussebel » du cheikh Mehdi Bentounes était contradictoire avec son rôle de Maître spirituel ? Il semblerait qu’il agissait surtout en qualité de citoyen musulman algérien. Il n’agissait pas en qualité d’un Commandeur des croyants à l’instar de l’Emir Abdelkader. Si le cheikh Mehdi Bentounes a été marginalisée au lendemain de l’indépendance, c’est plus pour des raisons de l’influence qu’il représentait, au même titre que tous opposants potentiels au régime en place, il est vrai que le cheikh Mehdi Bentounes entretenait des relations hétéroclites avec des personnalités autant politiques, intellectuelles et artistiques.
Le cheikh Mehdi Bentounes ne manqua pas de garder son indépendance tant à l’égard des membres du FLN que des autorités coloniales. Il resta un maître spirituel pensant à atténuer les souffrances inutiles de part et d’autres, c’est ainsi qu’il continua à promouvoir les rencontres interreligieuses à travers l’association des « Amis de l’Islam » (fondée en 1947) tout en publiant la revue jusqu’en 1962. Rappelant aussi que les relations de la confrérie avec les disciples européens étaient nombreuses, puisque depuis sa fondation par le cheikh al ‘Alawi en 1914, sa vocation consistait justement à construire des ponts avec l’Occident. Cette attitude semble cohérente avec celle d’un Maître qui place la question spirituelle avant toutes autres, prenant en compte certainement que de toute façon la confrérie, comme de nombreuses autres, allait faire l’objet d’instrumentalisation de la part des gouvernements postindépendance, acceptant de fait qu’il ne pourrait pas échapper aux incontournables questions politiques qu’allaient traverser le Pays.

Références

1.Zouaoui Benamadi, « Les Alaouites ou l’Islam des hommes d’affaires. Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Des musulmans à part entière ou des musulmans bien à part ? », El Moudjahid, Alger, 20 et 23 juillet 1968. 
2.Sosie Andezian, « Algérie, maroc, Tunisie », in Popovic Alexandre et Veinstein Gilles ( Sous la direction de): « Les voies d’Allah, les ordres mystiques dans le monde musulman des origines jusqu’à aujourd’hui », Fayard, Paris,1996, pp389-408, 568p. 
3.Délégation générale en Algérie, section des problèmes islamiques, « La confrérie des alaouias », le 12 mai 1961, classé confidentiel, n° 615/AP/SPI, SHAT 1H1112. 
4.Echos d’Oran » du 23 septembre 1923.
5.Police des Renseignements Généraux au sous préfet de Mostaganem, « Activité de la confrérie ‘Alawiya »Mostaganem, le 
11 août 1952.
6.Mohamed Freha, « Oran du mouvement national à la guerre de libération 1945-1962 », Tome 1, Alger, éd/El Oufia Talita, 
2010, 441p, p 134.
7.FLN-Bureau politique, 1
er vice-président de l’assemblée nationale constituante, Hajj Benalla au cheikh Mehdi Bentounes : 
« Attestation du rôle joué par le cheikh Mehdi Bentounés et de la confrérie ainsi que ses disciples dans l’implantation de 
l’ALN dans l’est oranais ». Alger le 16-1-1963.
8.Jacques Carret, op.cit., p31.
9.Cheikh Khaled Bentounes
, La fraternité en héritage, histoire d’une confrérie soufie, Paris, Albin Michel, 2009, p57. 10. Selon le témoin Docteur Mohamed Saïdane (né en 1931), Mostaganem, il était un proche du cheikh Bentounes Mehdi, 
Mostaganem, 19 nov.2013.
11. Selon le témoin Mourad Bentounes, gérant actuel de la zaouïa, fils du maître dont nous parlons, Mostaganem le 8 déc. 

2004.
12. Citation à comparaître à l’audience du 1
er août et 15 novembre 1958, au tribunal permanent des forces armées d’Oran.
13. Récépissé de déclaration à la préfecture d’Oran, de détention d’une arme à feu effectué par le Cheikh Mehdi Bentounes, 

fait à Mostaganem, le 11-01-1956, signé le commissaire de police Guy Perrotin.
14. Mohamed Harbi et Gilbert Meynier, l
e FLN, documents et histoire, Fayard, 2004, 898p, p577 (SHAT*1H2517-1).
15. Colonel Schoen au Préfet d’Oran, SLNA, Renseignement sur la situation des ‘Alawiyya au Maroc, 31 mai 1956.
16. Karim Lakjaa, « Houari Mouffok, Parcours d’un étudiant algérien : de l’UGEMA à l’UNEA », 
Les Cahiers du Germe N° 
26 1er trimestre 2006. 

La confrérie soufie ‘Alawiyya à travers l’épreuve de la lutte de libération algérienne.






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