Les cahiers de l'Islam
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Dimanche 13 Avril 2014

Des chiffres qui reflètent mal les contributions féminines au Pakistan

par Huma Yusuf*,



Londres - Les femmes ont été très peu nombreuses à se présenter aux élections législatives partielles du Pakistan jeudi dernier (22 août), qui portaient sur des sièges à l’Assemblée nationale et aux assemblées provinciales. Il n'est pas nécessaire de mentionner à quel point leur victoire a été insignifiante. Un phénomène semblable s’est également produit lors des élections législatives du mois de mai, à l’issue desquelles le nombre de femmes siégeant à l'assemblée nationale est passé de 16 à 6.

Ces chiffres peuvent bien, aux yeux des observateurs internationaux, dénoter un rôle passif des femmes pakistanaises sur la scène politique, satisfaites du statu quo. Mais la participation des femmes pakistanaises à la vie politique est plus complexe que ce que de simples chiffres peuvent suggérer. Aujourd'hui plus que jamais, les femmes cherchent à s’impliquer dans la vie politique du pays, et ce en dépit d'un nombre de facteurs visant à les en empêcher.

Malgré les menaces lancées par des groupes extrémistes, le nombre de femmes qui se sont présentées à l’Assemblée nationale et aux assemblées provinciales au cours des élections du mois de mai a dépassé les 450 candidates, c’est-à-dire plus que le double des 200 candidates aux élections législatives de 2008.

De plus, les femmes qui s’engagent dans des campagnes électorales proviennent de milieux de plus en plus variés.

Par exemple, Badam Zari (57 ans), femme au foyer de l’agence de Bajaur, a fait parler d’elle lorsqu'elle est devenue la première candidate aux élections représentant les Régions tribales du long de la frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan.

A son instar, Veero Kolhi, une ancienne paysanne sans terre et membre de la communauté marginalisée hindoue, s'est présentée en tant que candidate indépendante à Hyderabad et a obtenu plus de 6000 voix.

Dans certaines régions, des candidates discrètes ont remplacé des hommes politiques de grande notoriété qui ne parvenaient pas à rassembler ou à saluer les partisans en raison des menaces faites sur leurs vies. Plutôt que faire recours à une méthode traditionnelle, ces femmes ont mené leur campagne dans des lieux privés, notamment chez des particuliers. D'une manière générale, elles ont profité d'une mobilisation du public plus importante car cette méthode était sans précédent et parce qu’elles n'ont pas fait l’objet de suspicion.
Veero Kolhi à Hyderabad/Source The Guardian
Veero Kolhi à Hyderabad/Source The Guardian

Selon Bushra Gohar , le vice président du parti national Awami (ANP), dont le programme laïc en a fait la cible des talibans, les candidates féminines "ont joué un rôle audacieux et efficace, en organisant des rassemblements clandestins et en se rendant chez des particuliers dans des régions contraintes par les menaces des talibans".

Le nombre d'électrices durant les législatives a également été sans précédent. La commission chargée des élections au Pakistan (ECP) a enregistré 37,6 millions de votes féminins - deux millions de plus qu'en 2008. Et plus de la moitié des femmes avaient également voté au mois de mai.

Le nombre d'électrices est particulièrement remarquable compte tenu de l'environnement décourageant dans lequel elles sont amenées à voter. À Khyber Pakhtunkhwa, par exemple, les partis politiques ont passé des accords informels avec les conseillers des tribus locales, qui ont efficacement empêché les femmes de voter. Le même phénomène s’est produit jeudi dernier lors des élections partielles à Khyber Pakhtunkhwa, mais cette fois-ci, le président de la Cour suprême de Peshawar a réagit en suspendant les résultats des élections et en ordonnant l'arrestation des personnes responsables de ce sabotage.

La participation féminine peut toutefois être davantage favorisée.

La plupart des championnes de la participation à la vie politique montrent du doigt les partis comme étant responsables du manque de représentation de leurs voix, en arguant que certains ne créent pas suffisamment d'occasion pour l’implication des femmes. " Les partis politiques ont besoin d'assumer un rôle plus important, en offrant aux femmes plus de possibilités de viser des sièges à l'Assemblée nationale et en les soutenant au cours de la campagne", affirme Bushra Gohar.

Tandis que certains partis politiques, tels que Jamaat-e-Islami (islamisme) et Muttahida Qaumi Movement (libéralisme et sécularisation), comptent une aile féminine importante et bien organisée, des partis majeurs ne donnent pas suffisamment priorité à la place des femmes dans la politique.

Cette année, seules 36 des 108 candidates à un siège à l’Assemblée nationale ont été soutenues par un parti politique, et ce en raison du manque de confiance de la part des partis. Faute de soutien, de nombreuses femmes se sont présentées en tant que candidates indépendantes.

Les observateurs se demandent si le parti actuel du gouvernement (Pakistan Muslim League – Nawaz , PML-N) va s’efforcer de favoriser la participation des femmes dans la vie politique au cours du quinquennat. Il serait dans l’intérêt des partis de présenter davantage de candidates réceptives aux besoins des femmes pakistanaises, car ces dernières sont aujourd’hui plus éduquées, et elles représentent 50% de la population, devenant ainsi un vote majoritaire.

Alors qu’il y a pénurie de femmes dans les postes ministériels-clés, le parti du gouvernement s’est engagé à maintenir les élections locales durant son mandat. Ces élections (qui n’ont pas eu lieu au cours du dernier mandat) ont offert, par le passé, l’occasion à des femmes d’entrer dans la politique et d’assumer des positions dirigeantes à tous les niveaux du gouvernement. Ceci étant dit, la décision des assemblées provinciales de conduire des élections gouvernementales locales sur la base de partis politiques pourrait donner un élan bienvenu à la participation des femmes dans la politique, surtout en intégrant les femmes dans les partis les plus importants.

« Les femmes sont prêtes à faire de la politique pourvu que les partis ne leur bloquent pas le chemin », affirme Bushra Gohar. Etant donné l’augmentation importante du vote et des candidatures féminins, j’espère que le Pakistan saura s’adapter et tirer profit du désir évident des femmes de s’émanciper.

Publication en partenariat avec CGnews.

*Huma Yusuf est une chroniqueuse pour le journal pakistanais Dawn et était, en 2010-11, professeur pakistanaise au Woodrow Wilson International Center for Scholars à Washington, DC.

Intérieur d'un bureau de vote à Islamabad/ Source cnn.com
Intérieur d'un bureau de vote à Islamabad/ Source cnn.com




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