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Dimanche 15 Février 2015

[Blogs Mediapart] Pourquoi je suis engagé au lycée Averroès


Eric Dufour, directeur adjoint du lycée Averroès où il enseigne depuis 2007 après avoir exercé dans un établissement catholique, défend dans cette tribune le lycée musulman mis en cause ces derniers jours par un de ses enseignants qui a démissionné. Une lettre, dit-il, « contre les ignorants qui se nourrissent du fiel médiatique éphémère, contre les imposteurs vaniteux».



Au lycée privé musulman Averroès, à Lille (Nord), le 16 avril 2009.  (MAXPPP)
Au lycée privé musulman Averroès, à Lille (Nord), le 16 avril 2009. (MAXPPP)
Publié le 08 février 2015

Eric Dufour, directeur adjoint du lycée Averroès où il enseigne depuis 2007 après avoir exercé dans un établissement catholique, défend dans cette tribune le lycée musulman mis en cause ces derniers jours par un de ses enseignants qui a démissionné. Une lettre, dit-il, « contre les ignorants qui se nourrissent du fiel médiatique éphémère, contre les imposteurs vaniteux».

Je suis arrivé un beau matin du mois de décembre 2007 à la mosquée de Lille Sud avec derrière moi une expérience de 18 ans d’enseignement. Je n’ignorais pas ce qui se disait du lycée et de ses dirigeants depuis des années mais je m’y suis présenté sans préjugés et avec enthousiasme pour une vacation de quelques mois de préparation au baccalauréat, l’établissement devant pallier l’arrêt maladie d’une collègue.

Je n’ai eu qu’à me féliciter de ma décision tant l’accueil de la direction, des collègues et des élèves fut chaleureux. Le lycée obtenant la rentrée suivante le passage sous contrat avec l’Etat, j’ai choisi de demander une mutation pour exercer ma mission d’enseignement dans l’établissement.

Pourquoi quitter une grande institution catholique de l’agglomération lilloise après 16 années de bons et loyaux services ?

Non par dégoût d’entendre ce que les élèves disaient au sujet des « arabes » et des « musulmans », parce que ce phénomène existe mais n’intéresse pas les médias, auquel cas je serais parti plus tôt. J’ai toujours considéré que ma mission de pédagogue était de m’opposer à ce genre de comportement ; je n’ai jamais considéré que mes élèves fussent islamophobes ou extrémistes mais simplement ignorants et quelque peu influencés par l’éternelle présentation dévalorisante du monde arabo-musulman dans les sphères politico-médiatiques. Je m’attachais donc à leur opposer des arguments et à débattre avec la sérénité nécessaire.

J’ai pris le chemin d’Averroès par amour pour cette formidable aventure humaine et pédagogique, par défi personnel en milieu de carrière et par envie d’apporter ma modeste expérience à un établissement qui répondait à une injustice dans le monde éducatif alors que les autres confessions avaient déjà des établissements sous contrat d’association.

Depuis lors, je n’ai jamais regretté mon choix dans la mesure où j’y ai trouvé une famille et un espace d’épanouissement personnel et professionnel. La direction m’a ensuite confié des responsabilités jusqu’au poste de directeur adjoint que j’occupe depuis la rentrée 2014.

J’ai aimé ce lycée, je l’aime et je l’aimerai toujours. Pour quelles raisons ?

Je ne fais que rappeler dans les médias que c’est un établissement comme les autres, pas un monde utopique avec ses barrières chères à Thomas More, mais avec des collègues, des élèves et des parents comme on en trouve partout ailleurs en France. Ni plus ni moins. Nous devons toujours nous justifier sur ce qu’on y enseigne ! Comme si nous étions sortis de je ne sais quelle planète nommée « Musulmanie » et que nos cours étaient dictés par je ne sais quelle puissance maléfique. Et l’on nous reproche les théories du complot et le double discours ! Mais de qui se moque-t-on ? Qui suggère ces aberrations sous fourestiennes infamantes et diffamatoires ?  Ce sont des discours qui ne sont plus de saison tant les résultats et la reconnaissance nationale et internationale de l’établissement plaident en notre faveur. Un visage devant les caméras et un autre en réalité, un Janus barbu  assoiffé de sang des contes que l’on n’oserait dire pour enfants ? Ce serait hilarant si ce n’était pathétique, insensé et misérable. Des centaines d’heures d’enregistrements montrent combien les médias sont libres dans notre institution, que les journalistes interrogent librement nos jeunes depuis des années sans qu’ils n’y trouvent la moindre trace sulfureuse ! Et nous brieferions les élèves et les enseignants qui n’ont aucune liberté et aucune personnalité comme un chacun sait ?

Comment ? Nous accuser d’un pareil ridicule ? Enorme la ficelle ! Montrez l’espace et l’imbécile regarde le doigt !

Je suis déçu, accablé, abasourdi par ce que j’ai lu.

Je ne reconnais en rien l’établissement, les collègues et les élèves que je fréquente chaque jour ou presque depuis huit ans. Je ne suis pourtant ni tout à fait stupide ni à ce point naïf pour n’avoir pas vu ou compris ce que mon collègue a perçu en trois mois  de présence effective.

Retrouvez la suite de cet article sur le site des invités de Mediapart.




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